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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/187

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Le fret de Calcutta pour le Havre est de 50 pour 100 plus élevé que de Calcutta pour Londres.

Si nous nous sommes fait comprendre de nos lecteurs, ils doivent être convaincus qu’il est impossible de formuler un principe théorique s’appliquant à tous les cas ; les circonstances peuvent changer à l’infini et influer de la manière la plus grave sur les prix. Tel n’est pourtant pas l’avis de l’administration supérieure, puisque « M. le ministre des travaux publics, dans ses circulaires des 29 août 1878 et 17 avril 1879, adressées aux directions des chemins de fer de l’état, formulant les règles à suivre en matière de tarifs, recommandait d’éviter dans l’établissement des taxes de bouleverser les conditions naturelles résultant des distances ou de la situation topographique et de déplacer les courans commerciaux. »

Ce n’est pas sans un vif étonnement que nous avons lu ces lignes dans le rapport de la commission parlementaire; elles nous paraissent en contradiction flagrante avec toutes les lois économiques qui régissent les transports. Ce bouleversement est, au contraire, l’étude constante de l’économiste et du politique. Que faites-vous donc en créant un canal ou un chemin de fer, sinon bouleverser les conditions naturelles résultant des distances? Quand vous améliorez une rivière, que vous en augmentez le tirant d’eau, vous bouleversez la situation économique créée par la géographie. En créant les canaux du Nord, vous avez fermé le marché parisien aux houilles du Centre, et en créant le chemin de fer de Paris à Commentry vous l’avez rouvert. Et le percement du mont Cenis, qui a supprimé les Alpes, quel bouleversement géographique! Pauvre Ferdinand de Lesseps, qui croyait avoir fait œuvre magistrale en raccourcissant de 3,000 lieues la distance de l’Europe aux Indes! Si jamais quelqu’un a mérité d’être voué aux gémonies, c’est certes celui-là. Il paraît qu’il n’est pas repentant et que le bouleversement est une manie chez lui, puisqu’il médite encore de bouleverser les conditions naturelles de nos relations avec le Pacifique et d’y déplacer les courans commerciaux. Comment le gouvernement français ose-t-il étudier les moyens de bouleverser l’Afrique en mettant Tombouctou à trois jours d’Alger !

Quelle est donc cette prétention de trancher, sans un examen long et approfondi, ces questions de trafic si délicates et si multiples à la fois! Quelle agréable perspective pour le commerce ! Quand il viendra signaler au directeur des chemins de fer de l’état un besoin qui se révèle, lorsqu’il lui indiquera un débouché possible pour un produit moyennant une réduction de tarif, quelle déception de s’entendre dire : « Les circulaires ministérielles, en date du 29 août 1878 et du 17 avril 1879, s’y opposent formellement. » Ce sera l’ultima