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Les dépenses d’exploitation d’un chemin de fer se divisent en deux catégories : la première est indépendante du trafic ; la seconde augmente avec le trafic. Admettons pour un moment que le trafic d’un chemin de fer se réduise indéfiniment, il n’en faudra pas moins avoir une administration centrale, des chefs de station, des agens chargés d’entretenir la voie et le matériel roulant. Il faudra entretenir les bâtimens et renouveler les traverses qui pourrissent en terre, c’est la dépense indépendante du trafic. Mais si le trafic augmente, le personnel augmentera, l’usure de la voie et des machines s’accroîtra, il faudra plus de charbon; il est évident que les dépenses vont grandir. Nous ne voulons pas indiquer ici de formule algébrique, nous n’écrivons pas pour les spécialistes : qu’il nous suffise de dire qu’on est à peu près d’accord pour reconnaître que la dépense kilométrique d’exploitation d’un chemin de fer se compose d’une somme constante, indépendante du trafic, comprise entre 4,000 et 6,000 francs, à laquelle il faut ajouter une somme proportionnelle à la recette brute comprise entre 40 et 60 pour 100 de cette recette. Si le trafic est faible, cette somme constante est la partie la plus grosse de la dépense, elle grève lourdement chaque tonne de marchandises qui passe sur la voie. Si, au contraire, le trafic est considérable, cette somme constante n’a plus qu’une influence insignifiante sur le prix de revient du transport de la tonne. En d’autres termes, le prix de revient du transport diminue rapidement à mesure que le trafic augmente; cela était évident, mais encore fallait-il le dire. Il est clair que le prix de revient du transport est plus faible entre Paris et Chartres, où il passe 685,000 tonnes, qu’entre Rennes et Brest, où il en passe 106,000. C’est la loi de toute industrie; la plus grande production annihile l’influence des frais généraux.

Les conditions dans lesquelles la ligne a été tracée ont une influence très marquée sur le prix de revient d’un transport. Il faut six forts chevaux pour tirer un coche, « sur un chemin montant, sablonneux, malaisé. » Dès que cette même voiture arrive dans la plaine sur une bonne route, bien unie, on détèle les quatre chevaux de renfort devenus inutiles, et deux chevaux l’enlèvent au grand trot. Le prix de revient du transport sera singulièrement accru dans la partie montagneuse. Les pentes d’un chemin de fer sont très faibles, mais tout est relatif, et leur influence est capitale, bien qu’elle échappe au regard du voyageur distrait et indifférent. De Paris à Orléans, par exemple, on ne trouve que des pentes de 0m, 003 par mètre; d’Orléans à Limoges les pentes augmentent et sont de 0m, 005 par mètre; de Limoges à Nexon les pentes sont doubles et atteignent 0m,010 par mètre; de Nexon à Figeac,