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d’enfant, très vigoureux dans sa gamme claire, exposé par M. Saintin. Le portrait de l’acteur Worms, dans Hernani, par M. Maignan, est moins le portrait d’un homme que celui d’un costume. La tête, à peine faite, rentre dans la toile. Elle n’est pas en relief; elle est en retraite.

Des portraits aux bustes la transition est indiquée. Au premier aspect, on est séduit par l’originalité et l’élégance coquette et mutine de la Toinon de M. d’Épinay. Passons vite, sinon nous serions forcés de constater une insuffisance de modelé et une facture par à-peu-près que n’admet pas l’art de la sculpture. M. d’Épinay expose un haut-relief de marbre dont l’exécution est plus sérieuse. Le profil de la Leontina Bella se modèle en demi-relief dans un encadrement compliqué, imité du style de la renaissance, où s’entremêlent les guirlandes, les mascarons, les inscriptions et les rinceaux. M. de Saint-Marceaux a coiffé son buste d’enfant d’un feutre à larges bords qui n’est nullement sculptural. Dans les statues, dans les bas-reliefs, dans les bustes, les maîtres n’ont guère sculpté que des têtes nues. Les casques même qui, par leur matière massive et leurs formes arrêtées se prêtent mieux à la statuaire que les autres coiffures, ont été très rarement employés. Cette petite critique n’infirme pas la valeur du buste de M. de Saint-Marceaux. Le petit Jehan est une œuvre charmante. Le modelé en est un peu rond, mais le sculpteur avait à exprimer les chairs pleines de l’enfant. La céroplastique, hier encore abandonnée aux préparations d’anatomie, reprend une place d’honneur sous l’ébauchoir vital de M. Franceschi. La cire ne passe ni par le moule comme la terre et le bronze, ni par le ciseau du praticien comme le marbre ; on possède l’œuvre de l’artiste telle qu’elle est sortie de ses mains, toute chaude encore de son travail. La solidité de la cire défie le temps, et sa couleur chaude et ivoirine donne à la sculpture un aspect vivant. Dans le buste de Mme de F..., M. Franceschi a poussé à leur dernière puissance la précision du modelé et l’acuité de l’expression. Devant cette figure au regard profond, on songe à ces femmes-sphinx du grand Léonard qui n’ont pas encore donné leur secret. Si le haut et la partie postérieure de la tête se détachaient et ne laissaient subsister du buste que la face, on admirerait ce fragment comme une des œuvres les plus parfaites de la renaissance italienne.

Le joyau de l’exposition de la rue Saint-Arnaud, qui par le nombre sinon par l’importance des toiles, rivalise avec celle de la place Vendôme, c’est un petit tableau de M. Baudry. La Vérité qui vient de sortir de son puits traditionnel est assise ou plutôt à demi couchée sur la margelle, dans une de ces poses plafonnantes et quelque peu maniérées qu’affectionne M. Baudry. Forcément la ligne n’est pas d’un galbe très pur. Mais le corps prend son relief, palpite et s’anime sous les plus exquises caresses du modelé. La tête sourit avec un charme indicible et une adorable