Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terrible tueur de Prussiens. Signalons encore quelques autres bons portraits, par MM. Baudry, Benjamin Constant, Ulmann, Gonzalès, Alphonse Hirsch, Parrot, Sain et Van Marke. Ce dernier n’est pas un des moins bons portraits de l’exposition, bien que ce ne soit qu’un portrait de chien.

Les Derniers Momens de Chlodobert, page d’histoire de M. Maignan, égarée au milieu de ces portraits et de ces tableaux de genre, représente le jeune prince, étendu sur un brancard de forme archaïque, se tordant dans les suprêmes convulsions. Agenouillé près de l’agonisant, Chilpéric s’abîme dans la prière, tandis que Frédégonde se retourne vers le tombeau de saint Médard pour implorer un miracle de son intercession. C’est un tableau savant et bien peint où, comme dans tous les toiles de M. Maignan, se trahit l’influence de M. Jean-Paul Laurens. M. Jean Béraud, qui ne va pas chercher ses sujets dans l’époque mérovingienne, expose le Perron de Tortoni. Mais n’avons-nous pas vu ce tableau déjà quatre ou cinq fois? Du moins nous en avons vu qui y ressemblent singulièrement. M. Béraud change les décors, mais les figures, nous voulons dire les marionnettes, restent toujours les mêmes. Le peintre a trouvé deux ou trois attitudes, deux ou trois groupemens, et il les transporte de tableau en tableau. Qu’il regarde donc les grandes estampes de Moreau le jeune et de Debucourt, et il verra quelle vie intense, quel mouvement vrai, quelle variété de types et d’attitudes, quel esprit enfin il pourrait mettre dans ses compositions. M. Beyle a plus d’imagination. Ce qu’il appelle Fleurs de pommier, c’est une jolie femme en costume du directoire, perchée sur la grosse branche d’un pommier couvert de fleurs. Autour de l’arbre s’étend un frais paysage d’avril. Si tous les pommiers portaient de pareilles fleurs, il faudrait doubler le nombre des gardes champêtres.

Deux portraits d’homme de M. Cabanel, deux portraits de femme de M. Cot et un portrait d’enfant de M. Jean-Paul Laurens donnent de l’intérêt à l’exposition du cercle de la rue Vivienne. Le petit profil de M. Jean-Paul Laurens est de la bonne manière du peintre. On ne saurait trop louer le joli sentiment de la physionomie, le modelé gras des chairs et surtout la facture large et hardie de cette toison frisée, de ces cheveux couleur paille de la première enfance. Quel plaisir on aurait à caresser et à embrasser cette jolie chevelure! Nous avons souvent rendu justice à M. Cot. Nous retrouvons dans ses deux portraits ses qualités accoutumées de dessinateur et de coloriste. Le portrait du statuaire Perraud, par M. Cabanel, ne marquera pas dans l’œuvre du maître; mais l’autre portrait, dans lequel nous croyons reconnaître les traits de M. Cabanel à vingt ans, est d’un ordre tout à fait supérieur. Chez M. Cabanel on ne trouve pas les puissans reliefs et les touches vigoureuses de M. Bonnat, ni la belle couleur et l’originalité magistrale