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verdoyantes de Hyde-Park et dans la parade d’infanterie au milieu d’une des cours de la Tour de Londres. Nous n’étonnerons personne en disant qu’on trouvera à l’exposition les jolis chats de M. Lambert et les sempiternels Espagnols de M. Worms. On s’amusera davantage aux deux tableaux de M. Vibert: le Bain et les Couvreurs. Le Bain, qui est placé sur la cymaise, représente une sorte de hammam à ciel ouvert où se groupent des jeunes femmes enveloppées dans leurs peignoirs. Or, comprenez la malice, immédiatement au-dessus de ce tableau est accroché le second tableau de M. Vibert: les Couvreurs, — des ouvriers sur un toit se penchent en dehors de la gouttière pour regarder un spectacle qui paraît les intéresser vivement. Cette idée de deux tableaux se complétant l’un l’autre ou plutôt d’un même tableau divisé en deux cadres, est assurément originale. M. Vibert a beaucoup d’esprit, trop d’esprit peut-être, mais son talent de peintre le lui fait pardonner. De remarquables aquarelles sont les paysages de M. Français, les Vues de Venise, de Mme de Rothschild, les Vues de Gênes, de M. Jules Jacquemart, qui, lavées à pleine eau, ont une limpidité lumineuse, et les fleurs éblouissantes de Mme Madeleine Lemaire. La réunion de toutes ces aquarelles forme comme un kaléidoscope où alternent dans un brillant éclat les plus vives couleurs et les nuances les plus délicates. Au risque d’être traité de fâcheux, nous ferons cependant une petite critique à la plupart des aquarellistes, non sur leurs œuvres même, mais sur leur procédé. Ce n’est plus de l’aquarelle, c’est de la gouache, et de la gouache poussée jusqu’à l’apparence de la peinture à l’huile. A quoi bon alors employer la détrempe? Pourquoi s’efforcer de faire avec des couleurs à l’eau ce qui se fait mieux et plus facilement avec des couleurs à l’huile? Nous admirons ces tons corsés, ces puissans rehauts de blanc, ces figures en relief, ces plans en vigueur. Mais où sont les fraîches colorations, les lointains fluides, les transparences vaporeuses de l’aquarelle?


HENRY HOUSSAYE.