et les paroles. M. Spuller signale à sa manière la contradiction qui existe entre la nécessité « de constituer, de soutenir, de faire fonctionner le gouvernement » et l’action de ceux qui s’efforcent « de contester, sinon de refuser, au nom de certaines tendances, à ce gouvernement de leur choix la force et les attributs nécessaires à tout gouvernement qui veut vivre, » La question n’est pas du tout là, elle est assez mal posée. La question est de savoir si on peut « faire fonctionner un gouvernement » avec des idées et des procédés qui sont le contraire de tout gouvernement, si on peut se promettre la stabilité, la paix et la durée, avec une politique d’agitation, de division et d’exclusion. Voilà toute la question qui se débat aujourd’hui, et sait-on le secret des difficultés que le ministère éprouve à trouver dans cette confusion, au milieu de ces contradictions, ce qu’on peut appeler son point d’équilibre? C’est qu’il est incessamment obligé de tout ménager, de faire, comme on dit, la part du feu, d’entrer en transaction, non pas sur l’existence de la république, qui est hors de contestation, mais sur des détails, sur des questions irritantes, sur les mesures qu’on lui dispute ou qu’on veut lui imposer, sur les conditions les plus essentielles de gouvernement.
Au milieu de tout cela, ce qu’il y a de plus clair et ce qui ne laisse pas d’être un symptôme aussi inquiétant qu’étrange, c’est l’altération ou l’obscurcissement de certaines idées, de certaines notions qui sont pour ainsi dire l’essence de la politique. C’est d’abord une sorte de dépression visible du sens parlementaire. On veut, on croit avoir le régime parlementaire, et assurément il n’y a point aujourd’hui d’autre forme possible d’une vie publique régulière. Malheureusement on n’en a que les dehors, le mécanisme, les inconvéniens, les abus; on n’en a ni la réalité, ni les avantages, ni les garanties. Qu’en est-il en effet aujourd’hui et depuis assez longtemps? Il faut bien voir ce qui est vrai. La notion des prérogatives constitutionnelles des divers pouvoirs semble complètement émoussée. La confusion est un peu partout; l’initiative est dispersée, et par cela même elle n’est nulle part. Les ministres ne peuvent rien faire sans être réduits à toute sorte de négociations et s’ils présentent une loi, ils sont exposés à la voir disparaître devant une simple proposition parlementaire. Un incident extérieur ou intérieur ne peut pas surgir sans qu’un cabinet soit aussitôt menacé d’avoir à donner des explications souvent dangereuses. Commissions, groupes, fractions de groupes prétendent entrer en partage de l’autorité exécutive sans avoir la responsabilité. En un mot, aucun des pouvoirs n’est à sa vraie place, dans son vrai rôle, et on arrive à n’avoir ni le régime parlementaire, tel que la constitution Ta établi, ni le gouvernement direct d’une assemblée. C’est un mélange de tout cela, sans compter l’action irrégulière de prépotences plus ou moins invisibles qui ne font qu’ajouter à la confusion. Le sens des vraies conditions