Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

N’ayant rien à demander, rien à promettre, il ne se fait point l’illusion d’espérer qu’il convertira définitivement à la république, si sage et si libérale qu’elle soit, les partisans convaincus de la monarchie. Il n’y a pas uniquement des intérêts, il y a aussi des principes et des sentimens dans la politique. Quand la république donnerait satisfaction à tous les intérêts, et ce n’est pas malheureusement ce qu’elle fait en ce moment, il resterait encore des hommes de principe et de sentiment pour maintenir la tradition des partis. Le parti républicain libéral ne rêve donc point de conversions; mais il espère très sérieusement de larges et décisives conquêtes dans l’immense circonscription du suffrage universel. C’est de ce côté seulement qu’il regarde. Sa tactique, qu’il n’a aucune raison de dissimuler, ne s’enferme point dans les étroites proportions du monde politique proprement dit; elle a un champ plus vaste, le pays tout entier, que les partis oublient trop souvent dans leurs étroits calculs.

Quand les organes jacobins et radicaux de la presse républicaine parlent d’engagemens pris avec les partis monarchiques, ils ne parlent pas sérieusement. De quels engagemens pourrait-il s’agir? S’il convient à ces partis de se ranger du côté des défenseurs du droit des citoyens, de la dignité et de l’indépendance des fonctionnaires, le parti qui représente cette politique a-t-il le moindre sacrifice à faire de ses convictions et de ses traditions pour s’assurer leur concours? On sait bien qu’il n’a rien à offrir en échange de ce concours donné sans conditions, rien que les libertés du droit commun et les garanties d’ordre social. C’est bien quelque chose pour des libéraux et des conservateurs qui ne sont pas dans ses rangs. N’y a-t-il pas là de quoi intéresser sérieusement tous ceux auxquels l’esprit de parti n’a point fait oublier la liberté, la justice, l’ordre, la paix sociale? Dans cette rencontre de républicains et de monarchistes, il n’y a ni méprise, ni surprise possible. On sait des deux parts pour quoi ou pour qui l’on vote. Lorsque les votes des uns se confondent dans l’urne électorale avec les votes des autres, sur des questions de ce genre, on sait bien qu’il ne s’agit ni de république, ni de monarchie. Le parti de la république libérale n’a donc aucune espèce d’engagement à prendre avec tel ou tel parti monarchique. Il n’a besoin ni d’alliance ni de coalition pour arriver au but qu’il poursuit. Pourquoi une alliance avec des adversaires qui ne demandent rien et auxquels on ne peut rien accorder? Et cette rencontre fortuite, sans accord préalable, sans but conçu d’avance, sans plan poursuivi en commun, est-ce là ce qu’on peut appeler coalition? Faut-il redire encore, pour répondre à de méchans et vilains propos, que le parti républicain libéral n’a d’engagement qu’avec sa conscience et envers la cause qu’il croit mieux servir en refusant de suivre d’anciens amis dans la voie où ils veulent l’entraîner?