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locale. Mais quand il s’agit de venir en aide à une grève, c’est au moyen d’autres ressources qu’il y est pourvu. Ce qui était très habile, c’est qu’on laissait à toutes les sociétés qui voulaient s’affilier leur organisation propre. L’article 10 porte : « Quoique unies par un lien fraternel de solidarité et de coopération, les sociétés n’en continuent pas moins d’exister sur les bases qui leur sont particulières. » On pouvait englober ainsi les sociétés ouvrières de toute espèce, pourvu qu’elles déclarassent adhérer aux principes de l’Internationale.

Les discussions et les résolutions de ce premier congrès furent modérées. Les motions trop radicales n’obtinrent pas de majorité. Le groupe français représentait la gauche et les Allemands la gauche extrême. Les Anglais se tenaient à l’actuel et au possible. Fallait-il condamner toutes les religions comme hostiles à l’affranchissement de la cause ouvrière ? Le congrès refusa de se prononcer, le sujet ne rentrant pas dans le cercle de ses recherches. Ne fallait-il admettre que des ouvriers? Les Français voulaient exclure impitoyablement « les travailleurs intellectuels, » les avocats, les journalistes, « tous ces beaux parleurs » qui ne cherchent dans l’agitation qu’un moyen de faire leurs affaires. Les Anglais et les Allemands s’y opposèrent. C’eût été en effet expulser ceux qui avaient créé et qui dirigeaient l’Internationale.

Le congrès refusa aussi d’adopter tel ou tel plan de réorganisation sociale. Il devait se borner à formuler des principes généraux. Il comptait que, par l’effet de la libre coopération, le pouvoir et le capital finiraient par passer aux mains des ouvriers. Cependant il engagea les trade-unions à ne pas se contenter de poursuivre la hausse des salaires, mais à s’unir pour arriver à « l’émancipation complète de l’ouvrier. » Un vœu fut émis en faveur de l’indépendance de la Pologne. Toutefois la motion « de flétrir le despotisme russe » ne fut pas admise. On décida aussi qu’il fallait poursuivre partout la réduction de la journée de travail à huit heures effectives. Le travail des enfans ne devait pas être entièrement interdit, mais il ne devait pas dépasser quelques heures par jour, le reste du temps étant consacré à l’instruction que les chefs d’industrie étaient tenus de leur procurer. Cependant une partie du salaire des enfans pouvait être prélevée pour rétribuer les instituteurs. Enfin des résolutions furent votées en faveur des impôts directs et de la suppression des armées permanentes. Ceci était un souvenir des congrès de la paix.

En 1867, l’Internationale commence à faire sentir sa puissance. C’est de cette époque que datent ses conquêtes. Les ouvriers en bronze de Paris avaient formé une union dès 1864, aussitôt après que la loi interdisant les coalitions avait été abolie. En février