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les tempêtes, provoquent les réactions et retardent ainsi le vrai progrès économique, c’est-à-dire l’amélioration du sort du plus grand nombre, qui est la chose essentielle.

L’extension rapide de l’Internationale en France alarma le gouvernement de l’empire. Des poursuites furent décidées. En mars 1868, un certain nombre des chefs furent condamnés, mais seulement à 100 francs d’amende, non pour le délit de société secrète, mais comme ayant fait partie d’une société non autorisée. Le réquisitoire du ministère public fut plein d’indulgence et presque de sympathie. Le gouvernement impérial espérait encore rallier les ouvriers à sa cause. Cette apparence de répression n’eut d’autre résultat que d’appeler l’attention des ouvriers et de rendre l’Internationale plus populaire. «Les tracasseries gouvernementales, disait peu de temps après le conseil général, loin de tuer l’Internationale, lui ont donné un nouvel essor en coupant court aux coquetteries malsaines de l’empire avec la classe ouvrière. » En Allemagne également les progrès de l’association furent rapides à cette époque. Il s’y était établi un très grand nombre d’unions de métier (Gewerk-Vereine). Au mois d’août, une réunion des représentans de cent vingt sociétés ouvrières eut lieu à Nuremberg, et on décida l’affiliation à l’Internationale. Elle pénétra également en Espagne. En Suisse, sa popularité s’étendit considérablement, parce qu’elle avait permis aux ouvriers du bâtiment, à Genève, d’obtenir une augmentation de salaire.


II.

Le troisième congrès se réunit à Bruxelles, au théâtre du Cirque, du 5 au 11 septembre 1868. Quatre-vingt-dix-huit délégués représentaient l’Angleterre, la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, l’Espagne et la Suisse. Un compte-rendu complet des séances fut publié dans un journal socialiste de Bruxelles, le Peuple belge. Sur chaque question à l’ordre du jour un rapport est présenté. Les discussions sont en général assez courtes et peu animées. Les résolutions rédigées par le comité central sont votées sans modification. Ce n’est que sur la question de la propriété foncière que des divergences se produisirent. On s’occupa d’abord de la question de la guerre. L’incident de la cession du Luxembourg, entravée par le veto de la Prusse, et l’attitude des ministres de Napoléon III, faisaient craindre un choc entre la France et l’Allemagne. La formule mise en circulation par les sociétés de la paix : Guerre à la guerre! servit de texte à quelques discours où les délégués français affirmèrent énergiquement que le peuple en France réprouvait toute idée d’une attaque dirigée contre la Prusse. De leur côté, les Allemands