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menues habiletés ou des aventures de la brosse qu’il résulte de cette exécution un peu trop pleine, un peu trop touffue pour ainsi dire, une sorte de disproportion entre le cadre et ce qu’il contient, entre l’exiguïté des figures et la rigueur ou la solennité du faire. Peut-être ces anomalies tiennent-elles à la prédilection de Hesse pour les procédés robustes de l’école vénitienne et à l’habitude prise par lui d’abord de les étudier, non comme des exemples à suivre dans certains cas, mais comme des règles absolues, applicables en toute circonstance; peut-être aussi l’influence exercée sur lui par Léopold Robert, avec qui il avait familièrement vécu à Venise, expliquerait-elle ces duretés du modelé ou ces contrastes un peu âpres des ombres et des clairs qui, dans plusieurs de ces tableaux, dans le Triomphe de Pisani notamment, accentuent outre mesure les effets partiels et morcellent ou attristent l’aspect général de la scène. Mais, ces réserves une fois faites, comment ne pas estimer à son prix la ferme sagesse avec laquelle chaque sujet est envisagé et rendu? Comment ne pas reconnaître partout l’empreinte d’un respect scrupuleux pour la vérité historique et pour les enseignemens de la nature, uni à un profond sentiment de l’art et de ses conditions idéales?

Jamais, sous le pinceau de Hesse, l’imitation même la plus exacte ne se réduit à l’effigie brute, à la contrefaçon muette des apparences. Quelque docile que le peintre se montre à l’autorité de ses modèles, soit qu’il les consulte en face tels que les lui fournit la vie même, soit qu’il les trouve par le souvenir ou par l’étude dans les œuvre des maîtres, jamais chez lui la soumission au fait ne dégénère en servilité, ni la recherche de la correction en archaïsme. Hesse sait aimer le vrai sans le confondre avec le réel, comme il sait jusque dans ses emprunts au passé sauvegarder les franchises de sa pensée et les coutumes propres de sa manière : manière très peu impérieuse assurément, mais au fond fortement convaincue, et dont les formes, si travaillées ou quelquefois si complexes qu’elles soient, ne compromettent en rien la sincérité.

Parmi les tableaux de petites dimensions qui peuvent le mieux résumer le talent de Hesse et en marquer, dans cet ordre de travaux, les inclinations ou les habitudes, il en est un que nous citerons comme particulièrement significatif, tant à cause de l’exécution même qu’en raison des élémens variés de la composition, de ce mélange auquel le peintre ne craignait pas de recourir d’inil tions idéales et de vérités familières. Le tableau dont il s’agit, et qui orne aujourd’hui une habitation privée a été exposé en 1860. Il représente le Christ sous la figure d’un pèlerin recevant l’aumône des mains d’une paysanne qu’accompagnent une petite fille