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lointains gardent dans leur constitution intime la preuve des hautes températures qu’ils ont subies; et leur témoignage, en éclairant l’histoire passée de notre planète, confirme une fois de plus la belle conception de Laplace sur l’origine des mondes et la parenté des diverses parties de l’univers.

Ainsi, grâce à des travaux poursuivis pendant près de quarante années avec la plus ingénieuse originalité dans le choix de procédés toujours rigoureux, l’expérimentation synthétique a pu être abordée par la dernière venue de nos sciences, par la géologie, que la nature de ses études semblait condamner à ne jamais sortir de l’observation passive. Qui aurait cru que, pour reconstruire l’histoire du globe par l’interprétation des caractères à demi effacés que le temps a gravés sur sa surface, le géologue pût recourir à des instrumens de laboratoire, comme le physiologiste ou le physicien, et qu’il parviendrait à reproduire quelques-uns des phénomènes dont l’immensité ou la lenteur déroutent l’imagination? Mais n’est-ce pas la même force qui fait osciller le plus délicat de nos pendules et qui, aux confins de l’univers, retient les astres sur leurs orbites? La nature, suivant l’expression de Leibniz, n’est qu’un art plus en grand. On a donc pu, en suivant en petit ses procédés, surprendre quelques-uns de ses secrets : le rôle minéralisateur du fluor et la puissance variée de l’action hydrothermale; les curieux effets de torsion, de compression ou de laminage qui soulèvent les monts en chassant les océans, ou fracturent le sol en ébauchant les vallées; les faits de capillarité ou de thermodynamique qui expliquent l’éruption des volcans ou le métamorphisme des roches; la surprenante énergie d’érosion que peuvent acquérir les gaz, l’importance du silicium et du magnésium qui fournissent en s’oxydant la scorie universelle; enfin le phénomène d’affinage qui s’accuse dans les débris cosmiques comme dans les produits de l’activité interne, et qui permet de concevoir comment les astres brûlent ou s’éteignent dans l’obscurité glacée de l’espace. En marchant ainsi, comme le voulait Bacon, sous le fer et le feu de l’expérience, la géologie a réalisé un progrès manifeste qui est à la fois la justification de la méthode expérimentale et le gage assuré de nouvelles conquêtes.


A.DELAIRE.