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REVUE LITTÉRAIRE.

-six lettres en tout pour la correspondance de Frédéric avec Voltaire : grâce à la grande édition des Œuvres de Frédéric, on en pourra donner cinq cent soixante-dix. Le premier volume de la Correspondance finissait par une lettre numérotée 323 ; dans l’édition nouvelle la même lettre est cotée 452. Le total des pièces enfin n’atteignait pas tout à fait huit mille (7,473) : grâce à tout ce que l’on a retrouvé depuis quarante ans, il dépassera peut-être douze mille.

Ce n’était pas tout que d’enrichir en nombre la Correspondance, il s’agissait encore d’en améliorer le texte. Quoique Beuchot eût beaucoup fait, il restait beaucoup à faire. J’indiquerai deux ou trois parties qui profiteront singulièrement de quelques publications récentes.

En 1875, M. Courtat s’est avisé de comparer le texte imprimé des lettres à l’abbé Moussinot avec le manuscrit autographe, qui est à la Bibliothèque nationale. Il a donné lui-même le très instructif résultat de sa comparaison dans un volume intitulé : les Vraies Lettres de Voltaire à l’abbé Moussinot. Je renvoie les curieux à la préface de M. Courtat : ils y verront ce que l’abbé Duvernet, qui fut le premier éditeur de ces lettres, a cru pouvoir prendre de libertés souveraines avec son texte. Dirai-je que nous avons tous lu, sous la signature de Voltaire, des lettres entières de ce Duvernet ? Les Vraies Lettres seront fondues dans le nouveau recueil.

Le texte authentique de la correspondance de Voltaire avec Frédéric a subi moins de retranchemens et de mutilations ou d’interpolations de toute sorte. Il s’en fallait de beaucoup pourtant qu’il pût passer pour établi définitivement avant la publication des Œuvres de Frédéric le Grand, donnée par M. Preuss. M. Preuss n’a pas retrouvé moins d’une quinzaine de lettres de Voltaire, presque toutes complètement inconnues des précédens éditeurs. Quelques-unes sont très importantes pour l’histoire vraie des rapports du poète avec le roi. Il a relevé de plus un grand nombre de variantes significatives. Et le texte de cette célèbre correspondance, l’une des plus curieuses à tous égards qu’il y ait au monde, se trouvera sans doute arrêté pour toujours, à moins pourtant qu’on ne découvre les originaux de Frédéric, ce qui ne paraît plus guère probable, puisqu’ils ne sont pas à Berlin.

C’est précisément la publication des originaux eux-mêmes, dans la collection de la Société impériale de l’histoire de Russie, qui permettra de donner au texte de la correspondance de Voltaire avec l’impératrice Catherine le dernier degré de perfection critique et d’autorité qu’il puisse recevoir. Il courait une légende sur la publication de cette Correspondance par les éditeurs de Kehl : pour la plus vive satisfaction de ceux qui croient que toute légende renferme un fonds de vérité, la légende est maintenant de l’histoire. On peut suivre dans le xxiiie volume de la collection, publié par M. Grote en 1878, et que remplissent uniquement les lettres de Catherine au colonel Grimm les inquiétudes