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demi faite, tout au moins commencée le jour où à l’adresse altière des 221 on avait répondu par une dissolution irritée de la chambre. De toutes parts, sous toutes les formes, les droits du peuple et les droits du roi se trouvaient ouvertement en présence : les uns et les autres avaient leurs champions. S’il y avait, par une dernière faveur de la fortune, une circonstance faite pour détourner ou tempérer les crises prochaines, c’était cette expédition d’Alger qui venait d’être entreprise, qui mêlait une diversion d’honneur national aux agitations intérieures du moment. Elle aurait pu rallier les esprits, elle ne les ralliait pas : elle n’était pour l’opposition, pour son jeune leader du National, qu’une cause de défiance de plus, un grief nouveau, — peut-être pour le roi, pour son premier ministre M. de Polignac, une cause d’illusion de plus.

Le roi Charles X était un prince bien intentionné, sincère dans ses superstitions de race et de foi, aimant l’honneur de la France, haïssant d’instinct tout ce qui venait de la révolution, agité au souvenir de Louis XVI, mêlant tout cela dans une tête légère et allant les yeux fermés au-devant d’un danger qu’il créait ou qu’il augmentait par ses craintes et par ses défis. À cette fête du 31 mai 1830 donnée pour les princes napolitains au Palais-Royal, le vieux roi, qui avait accepté avec bonne grâce l’invitation du duc d’Orléans, s’était rapproché un moment d’une fenêtre et, regardant le ciel constellé, par une soirée merveilleusement pure, il disait : « Voilà un beau temps pour ma flotte d’Alger; dans ce moment mon armée doit toucher la côte d’Afrique! » Quelques jours après Alger, était pris, l’armée avait planté le drapeau français sur la terre d’Afrique. On était en pleine crise d’élections, et l’archevêque de Paris, Mgr de Quelen, en ordonnant un Te Deum pour célébrer cette rapide victoire, ajoutait ces dangereuses paroles : « Ainsi soient traités partout et toujours les ennemis de notre seigneur et roi! Ainsi soient confondus ceux qui osent se soulever contre lui! » C’était par trop laisser voir qu’avec cette victoire des armes françaises on s’enhardissait à la politique de combat à l’intérieur, et ces appels à la force répétés autour du gouvernement avaient d’autant plus de signification qu’ils semblaient répondre aux élections toutes libérales qui s’accomplissaient.

Tout devenait pressant en effet : ou il fallait se préparer à céder devant la chambre nouvelle, convoquée pour le 3 août, ou il fallait agir sans plus de retard. Le coup d’état était déjà dans l’air; il s’annonçait assez pour que M. Thiers, relevant les bruits qui couraient dans Paris, précisant les projets attribués au ministère, ne craignît pas de dire un jour : « Nous entendons par coup d’état ne pas réunir la chambre, casser les élections, fonder un nouveau système électoral par ordonnance. Tout cela fait en s’appuyant ou non