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notre Louvre. A dater du XVIe siècle, les collections d’art des rois, des princes et des particuliers se multiplient. Ce sont celles de Diane de Poitiers, de Catherine de Médicis, de l’autre Médicis française, la reine Marie, de Richelieu, de Mazarin, de Charles Ier, de Michel de Marolles, des Guise, de Gaignières, de Christine de Suède, du pape Clément XIII, de Louis XIV et de Louis XV, de Caylus, de François Boucher, du prince de Carignan, des rois d’Espagne, de la couronne de Savoie, des électeurs de Bavière et de Saxe, de Marie-Thérèse d’Autriche, de Ferdinand de Naples. Si au contraire on entend par musée une collection publique, un palais ouvert tous les jours et à tous venans, une galerie nationale appartenant à l’état ou à la commune, c’est-à-dire à chaque citoyen, les musées ne datent que de la révolution et du commencement de ce siècle. De toutes les collections que nous avons citées, aucune n’était publique. Pense-t-on que Verrès, que Cicéron ou même que Mécène, tout Mécène qu’il fût, ouvrissent à la plèbe les salles de leurs trésors? Les vases murrhins étaient trop fragiles, les statuettes trop faciles à cacher sous les plis d’une tunique et sous le pan d’une toge ! Quand la reine Christine vint en France, elle dut pour visiter le palais de Mazarin demander l’autorisation au cardinal. Celui-ci l’accorda en faisant toutefois cette singulière recommandation à Colbert, chargé d’accompagner l’auguste visiteuse : « Je vous prie de prendre garde que la reine n’entre pas dans mes petits cabinets, car on pourroit y prendre de mes petits tableaux. » Le cabinet du roi, comme on appelait jadis les collections royales, ne fut ouvert au public qu’en 1750. Encore, sur plus de deux mille tableaux que possédait la couronne, cent six tableaux seulement et la galerie de Rubens étaient visibles ! Les autres toiles étaient dispersées dans les résidences royales ou se perdaient par manque de soins dans les greniers de Versailles. De plus, le cabinet n’était ouvert que quatre heures par jour, deux fois la semaine. Si peu satisfaisant qu’il fût, cet état de choses ne dura même pas. En 1784, presque tous les tableaux qui se trouvaient à Paris en furent enlevés pour être réunis au dépôt de la surintendance à Versailles. Cela n’était-il pas dans l’ordre ? Sous l’ancien régime, les œuvres d’art des palais et des châteaux de Paris, de Versailles, de Marly, de Fontainebleau étaient propriété royale. C’était par pure bonne grâce que le roi laissait quelquefois voir ses tableaux à son bon peuple de Paris. Aussi n’avait-on pas à en vouloir au roi si, pour le plaisir d’avoir tel ou tel tableau sous les yeux, à Versailles ou à Trianon, il le faisait enlever de Paris, ou même si, projetant une nouvelle installation du palais du Luxembourg, il donnait l’ordre de le fermer provisoirement, — pour une dizaine d’années. Au reste, à l’étranger, il en était comme en France. Les collections royales ou princières de l’Hermitage, de Vienne,