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moins vrai que désormais la négociation est ouverte ; il est intéressant pour tout le monde de savoir ce qui en sortira et qui en sera le bon marchand.

L’une des fameuses lois de mai votées et promulguées en 1873 consacrait le principe de l’intervention du pouvoir civil dans la nomination des fonctionnaires de l’église. Elle portait que les chefs des diocèses seraient tenus de notifier aux gouverneurs ou présidons des provinces le nom des candidats aux cures vacantes, que les présidens auraient trente jours pour faire valoir leur droit de veto. Cette loi a été une source abondante, intarissable, d’aigres et violens conflits entre le gouvernement prussien et l’église catholique. Plutôt que de s’y soumettre, les évêques ont préféré des années durant laisser plusieurs centaines de cures sans curés. Ni les sommations impérieuses, ni l’énormité des amendes, ni la prison n’ont pu triompher de leur parti-pris. Ils étaient encouragés dans leur résistance obstinée par le chef de l’église ; dans son encyclique du 5 février 1875, le pape Pie IX les avait exhortés à mépriser des lois « qui bouleversaient de fond en comble la constitution divine de l’église, qui anéantissaient les privilèges sacrés des évêques, et qui semblaient faites pour des esclaves dont on force la volonté par la terreur et la violence. » Le pupe Pie IX était un tribun mystique; il jetait le gant à Dioclétien, il se refusait à toute transaction avec celui qu’il appelait l’Attila de Berlin. Il se souciait peu des colères que provoquaient ses refus, il ne s’alarmait point des conséquences de ses anathèmes; il croyait fermement que le bien sort quelquefois de l’excès du mal. Le 1er août 1869, M. de Bismarck écrivait au prince Hohenlohe : « Le parti qui domine aujourd’hui à Rome ne craint point de troubler la paix politique et ecclésiastique de l’Europe; son fanatisme lui persuade que les maux engendrés par les discordes civiles accroissent la considération de l’église, comme cela s’est vu en 1849, et la psychologie lui apprend que l’humanité souffrante recherche avec plus d’ardeur les secours spirituels qu’elle s’en passe plus aisément quand elle trouve sa satisfaction sur cette terre. »

Les papes se suivent et ne se ressemblent pas. Dès les premiers jours de son pontificat, le pape Léon XIII a prouvé combien il différait de son prédécesseur par l’humeur, le tour d’esprit, les principes de conduite, et combien il était disposé à apaiser par les mesures conciliantes d’une sage politique les tempêtes que le mysticisme avait déchaînées. Sa tâche était bien difficile. « Il suffit d’un fou, a dit un diplomate, pour jeter une pierre dans l’eau, et souvent ce n’est pas assez de cent hommes sages pour la repêcher. » Longtemps on a pu croire que les généreuses intentions du nouveau pontife seraient tenues en échec par le mauvais vouloir de la curie romaine. Personne peut-être n’est moins maître de ses actions qu’un pape infaillible. A Rome, comme le remarquait Rossi en 1845, « les opinions, ne descendent pas du haut vers le bas, mais