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morale d’un certain nombre de congrégations religieuses. Le sénat, reprenant à son tour la question, l’a examinée et discutée avec autant de maturité que d’éclat. Les opinions les plus diverses, républicaines et catholiques, libérales et conservatrices, se sont rencontrées pour sanctionner la plus grande partie de la loi, en éliminant simplement ce qui pouvait être considéré comme une violation de liberté, comme une atteinte au droit commun. Jusque-là tout est régulier, chacun est dans son rôle et dans sa liberté selon la constitution. A peine l’article 7 était-il rejeté cependant, la chambre des députés, sans plus de retard, à la veille de se séparer, se hâtait d’imposer par voie sommaire d’interpellation et d’ordre du jour au gouvernement l’obligation d’appliquer ce qu’on appelle les « lois existantes, » les « lois de l’état » sur les communautés religieuses dites non autorisées. En d’autres termes, le sénat, écartant par un sentiment de libérale prudence une mesure d’exception, avait refusé d’enlever à des congrégations le droit d’enseigner, — la chambre des députés lui a répondu aussitôt en affirmant l’intention d’enlever à ces congrégations le droit d’exister. Le sénat avait exercé certes sans impatience, avec une modération réfléchie, la plus simple de ses prérogatives; on lui déclarait, en mettant même quelque ironie dans les représailles, qu’on se passerait de lui, que puisqu’il refusait l’exclusion partielle, il subirait la dissolution complète des communautés. A n’en pas douter, c’est le sénat qui l’a voulu ! Les républicains des comités directeurs du palais Bourbon en ont jugé ainsi dans leur sagesse supérieure; ils ont décidé qu’on ne pouvait pas même laisser au gouvernement et au pays la trêve des vacances, et le gouvernement, placé dans un visible embarras, sous une pression de parti, a dû s’exécuter. Voilà cependant comment on entend l’indépendance des pouvoirs, la pratique du régime parlementaire, le respect de la constitution qui est la loi souveraine de la république, qui a créé le sénat avec sa dignité, avec ses droits aussi bien que la chambre des députés! Voilà comment, à l’origine d’un acte qui eût toujours été délicat et difficile, qui n’eût assurément rien perdu à être mûri et médité, à être accompli dans tous les cas avec le concours de tous les pouvoirs, on a trouvé le moyen de mettre une sorte de violation des plus simples convenances constitutionnelles! L’ordre du jour de 1845 qu’on a rappelé ne répondait à aucune manifestation récente de la chambre des pairs, il laissait au gouvernement la liberté et le temps; il restait en tout un acte régulier. L’ordre du jour du 16 mars der nier, voté au lendemain de l’échec de l’article 7, n’a été que l’acte d’impatience d’une majorité pressée de prendre une revanche et d’imposer ses volontés. Voilà la différence !

Eh bien! le gouvernement s’est exécuté. Les mesures qui lui étaient demandées, on les a maintenant; elles viennent de paraître officiellement, précédées d’un rapport de M. le garde des sceaux et de M. le ministre