Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/719

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France n’est directement engagée dans aucune de ces questions qui s’agitent à la surface du continent, qui peuvent incontestablement susciter des conflits; elle est cependant intéressée à tout. Si elle est destinée à être dans des circonstances données une alliée utile en servant ses propres intérêts, c’est ce que les événemens seuls décideront. Jusque-là elle n’a rien à dire, elle n’a qu’à rester une puissance neutre, vigilante, désirant la paix pour elle-même, la conseillant aux autres et gardant à travers tout le sentiment de son importance parmi les peuples. Il ne sert à rien de parler sans cesse de l’isolement de la France au milieu du mouvement européen d’aujourd’hui. Ce n’est pas la question. Le seul isolement dangereux pour la France serait celui où elle se placerait par ses agitations intérieures, par des déchaînemens révolutionnaires qui discréditeraient son nom, ruineraient son crédit et épuiseraient ses forces. Elle n’a rien à craindre d’un isolement naturel où elle peut se conduire de façon à refuser tout prétexte aux malveillans et à offrir toute garantie aux indépendances menacées, aux droits et aux intérêts légitimes. Nul ne peut dire ce qui se passera d’ici à dix ans, tout le monde peut dire que l’état présent de l’Europe n’a rien de définitif et de fixe. L’essentiel est que la France sache rester patiemment ce qu’elle doit être, qu’elle évite de gaspiller ses forces, son influence dans des agitations stériles ou dans des combinaisons artificielles. Sa politique extérieure pour le moment est une affaire de mesure et de prévoyance, et aujourd’hui plus que jamais la première condition de l’efficacité de cette politique est la paix, la sécurité à l’intérieur. Voilà ce qu’oublient ceux qui se plaisent à allumer des guerres intestines en présence d’une situation européenne qui peut n’être pas condamnée à des crises tout à fait prochaines, qui reste néanmoins toujours précaire.

L’Angleterre, quant à elle, est tout entière aujourd’hui au renouvellement de sa chambre des communes. C’est l’occupation que lord Beaconsfield lui a donnée pour les vacances de Pâques en prononçant il y a quelques jours la dissolution du parlement. C’était à la fois prévu et imprévu. Le parlement qui vient d’être dissous datait de 187’, et il a eu certes pendant ces six années une existence sérieusement remplie par les plus graves affaires extérieures. Avant un an il devait arriver à la fin légale de ses pouvoirs, et il est rare qu’en Angleterre un parlement aille jusqu’au bout de son mandat. Il a même fallu un concours de circonstances presque extraordinaires pour expliquer cette longévité d’un parlement et la durée d’un cabinet qui, après être venu au monde avec la dernière chambre des communes, a vécu assez pour se présenter de nouveau devant le pays dans des élections à peine anticipées d’un an. Par elle-même la dissolution n’avait donc rien précisément d’inattendu. Ce qui a été imprévu, c’est le moment choisi par le ministère et la manière dont la grande mesure a été notifiée aux chambres, à l’Angleterre tout entière. Lord Beaconsfield a beau faire, il ne peut