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REVUE LITTÉRAIRE

DE L’INTERPRETATION DU REPERTOIRE TRAGIQUE.

La Comédie-Française vient de reprendre le Cid. Grande nouvelle, car voilà longtemps déjà, comme on sait, que la Comédie-Française en est à reprendre les œuvres qui depuis le Cid précisément jusqu’au Mariage de Figaro forment son répertoire officiel, — j’entends répertoire de premier ordre, — et qui devraient en bonne administration constituer son répertoire courant. Elle a repris aussi Britannicus. Est-il admissible que l’on donne ainsi l’éclat et le retentissement extérieur d’une reprise, et presque d’une première, à la représentation de ces œuvres que tout élève sortant du Conservatoire devrait savoir par cœur? Est-il admissible qu’en dix ans de temps on ne puisse pas voir jouer une fois seulement Bérénice, Bajazet, Iphigénie? Est-il admissible que l’on inflige au Cid ou à Britannicus cette espèce d’outrage que de les exhumer de loin en loin comme des profondeurs de l’oubli? C’est ce que nous ne voulons pas examiner aujourd’hui.

Constatons seulement que, s’il en est ainsi, la faute n’en peut plus être, comme autrefois, rejetée sur l’indifférence du public. Le public se porte en foule, on peut le dire, à quelque spectacle qu’il plaise à M. Perrin de mettre sur l’affiche; il assiège la salle aux matinées du dimanche comme aux soirées du reste de la semaine; il applaudit enfin M. Worms ou M. Maubant dans le Cid, et Mlle Favart ou M. Mounet-Sully dans Britannicus avec un tel et si sincère, si facile, si naïf enthousiasme qu’on serait vraiment parfois tenté de croire que les beaux jours sont revenus pour les chefs-d’œuvre classiques et le grand art. Mais il ne faut pas se payer d’illusions. Excellent juge assurément de son plaisir, et même,