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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/296

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nous l’apprenne. Comme il est certain, en effet, qu’il regagna Wisby, on ne doit pas supposer qu’il ait négligé de visiter un point qui se trouvait sur sa route et lui était si cher. La lettre de faire part de la mort de Pierre, écrite de la main de son compagnon ordinaire, frère Folquin, et adressée de Wisby à Christine, s’est trouvée parmi la correspondance laissée par cette dernière. Mais la date de l’année n’y est pas. Échard, qui, pour toute cette partie, corrige avec justesse les erreurs de Papebroch, croit que ce fut en 1288. Le bon Folquin demande à Christine de le prendre désormais pour ami intime à la place de Pierre, et de lui faire la confidence de ses états. Nous n’avons plus aucun document sur ces relations, empreintes d’un caractère si respectable, malgré les étranges aberrations qui s’y trouvent mêlées. Ce que Christine avait redouté comme le plus dur de ses martyres arriva. Elle survécut de longues années à son ami, puisqu’elle ne mourut qu’en 1312.

De tout temps, Pierre de Dace avait eu l’intention de composer, en partie comme témoin oculaire, en partie d’après les lettres qu’il recevait, en partie d’après les relations de Jean, le maître d’école, une Vie de Christine, destinée à l’édification du monde chrétien. Un premier essai, une sorte de premier livre, intitulé : de Virtutibus sponsœ Christi Christinœ, fut envoyé par lui à Stommeln. Le maître d’école le lut à Christine. C’est une composition vague, à peine intelligible, sans aucune indication de temps, de lieu, de personne, ne se rapportant pas mieux à Christine qu’à toute autre extatique, si bien que les Bollandistes ont trouvé inutile de la publier. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que Christine ne s’y reconnut pas. « Sachez, dit le maître d’école, que je lui ai lu d’un bout à l’autre la partie que vous m’avez envoyée et où vous parlez par similitude de votre fille Christine, de quoi elle a été merveilleusement consolée, et elle l’a entendu avec tant de simplicité qu’elle disait de vous avec étonnement : Mais il ne m’a jamais parlé de cette fille-là. » Jean demande la suite avec empressement. Christine elle-même raconte qu’elle se l’est fait lire deux fois, qu’elle y a pris un plaisir extrême. « Mais ce qui m’étonne, dit-elle, c’est que jamais au cours de tant d’années d’intimité, vous ne m’ayez dit mot de cette fille, de cette amie. »

Pierre heureusement ne s’arrêta pas à cette pièce banale. Il composa un récit plein de naturel de ses visites à Stommeln, et il y inséra les diverses lettres qui se trouvèrent à sa disposition. Cette importante narration s’arrête en 1282.

Pendant ce temps, sur le conseil de Pierre, le maître d’école Jean écrivait de son côté les merveilles que lui disait Christine et dont il croyait être témoin. Jean n’avait ni l’élévation ni la pureté