Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cet appel, que tous les échos renvoyaient à la fois, fut entendu. M. de Freycinet voulut inaugurer son entrée au quai d’Orsay par une mesure largement libérale. Ici, nous devons en convenir, « l’épuration » était excusable, et un personnel plein d’ardeur, auquel on adjoignit une commission des archives diplomatiques reconstituée, fut chargé de rompre avec de vieilles routines indignes de notre temps.

A peine installée, la nouvelle direction se mit en quête des portefeuilles saisis en 1760. Elle demanda, comme tous les chercheurs, le fonds Saint-Simon. Il avait été dispersé, et les initiés ne purent qu’en signaler les fragmens. Il semblait qu’on se fût attaché, aussitôt après la mesure si libérale de 1819, à détruire un ensemble dont un scrupule royal pouvait tôt ou tard imposer au ministère la restitution. Des lettres, des mémoires d’état, des pièces datées avaient été comprises dans des séries chronologiques, sans être pourvues d’une mention d’origine ; le reste avait été rassemblé sous des reliures de diverses couleurs, dont aucune ne portait le nom de Saint-Simon, et versé dans des fonds différens. Il était impossible de dérouter plus habilement l’archiviste qui aurait voulu chercher dans les longues galeries du dépôt sans être pourvu d’un fil conducteur. Heureusement, le service reconstitué des Archives mit autant de zèle à signaler les volumes démarqués qu’une défiance égoïste avait employé d’art à les soustraire à la curiosité publique. En peu de semaines, des découvertes précieuses, dues à de tardifs rangemens, firent apparaître la plus grande partie des manuscrits de Saint-Simon.

Aujourd’hui, sans avoir encore tout retrouvé, on peut essayer d’indiquer l’ensemble des découvertes et de mesurer à l’aide de quelques reconnaissances heureuses, sur un terrain si récemment conquis, ce que fauteur des Mémoires et l’histoire gagneront à cette résurrection posthume.

Les manuscrits de Saint-Simon, tels qu’ils étaient accumulés à Paris et à la Ferté-Vidame, peuvent être groupés en diverses séries. Il y avait d’abord des livres manuscrits qui auraient dû figurer dans sa bibliothèque et qu’il possédait soit à titre de curiosité, soit comme instrumens de travail. Tel était ce Guillaume de Tyr, en écriture gothique du XIIIe siècle, avec des enluminures, qui est venu échouer au dépôt des affaires étrangères, où cette précieuse épave, ignorée des érudits, représente à elle seule le moyen âge. Tels sont plusieurs Traités sur la noblesse, une Histoire des assemblées d’états, des recueils d’Arrêts, des procès fort anciens. Nous pouvons apprécier par là le soin du collectionneur, mais l’œuvre personnelle n’apparait pas encore. Les volumes de mémoires nous en rapprochent. Saint-Simon, qui avait commencé dès sa vingtième année à