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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/390

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luy bien des fois de la surprise de l’ambition et de l’abus qu’il en faisoit. » (P. 37.)

Le roi avait vingt-trois ans quand disparut ce gênant favori. Enfin Louis XIII allait régner.

Qu’était devenue la France pendant sa longue minorité? Quels appuis le jeune roi allait-il trouver parmi les anciens serviteurs de son père? accepterait-il le secours d’un de ces partis qui « retenoient dans leurs rangs les premiers de l’estat? Louis XIII ne pouvoit se livrer à pas un d’eux qui tenoient tous fort étroitement encore, les premiers aux Espagnols et aux ultramontains, les seconds aux protestans d’Allemagne et d’Angleterre, à la Hollande et jusques au Nord. Les premiers avoient peine à se défaire de cet esprit de domination que leur parti avoit exercé avec une si longue et si pernicieuse tyrannie, les autres de cet esprit d’indépendance et de ces funestes vues d’avancer toujours peu à peu dans leur ancien projet de former un estat dans l’estat, et une manière de république dans le royaume, tous deux appuyés de puissances étrangères avec lesquelles ils conservoient chèrement et réciproquement une dangereuse liaison. Les premiers se promettant tout du génie espagnol et ultramontain de deux reines, les seconds un appui certain de leurs places de sûreté et de leurs protecteurs étrangers pour les maintenir par l’intérêt de ces mêmes puissances, et l’un et l’autre à l’abri du nom de leur religion. » (P. 23.)

Au milieu de la sourde fermentation de ces personnages, dans la faiblesse du gouvernement, où Louis XIII pouvait-il trouver « confiance, sûreté ou repos? » Lui était-il possible de se jeter dans les bras de Marie de Médicis ou de son frère Gaston ? À cette question Saint-Simon répond par leurs portraits. « Sa mère étoit Italienne, Espagnole, sans connoissance aucune et sans la moindre lumière, dure, méchante par humeur et par impulsion d’autruy et toujours abandonnée à l’intérêt et à la volonté de gens obscurs et abjects qui, pour dominer et s’enrichir, luy gastoient le cœur et la tête, la rendoient altière, jalouse, impérieuse, intraitable, inaccessible à la raison, et toujours diamétralement opposée à son fils et aux intérêts de la couronne ; de plus changeante, entreprenante selon qu’elle changeoit de conducteurs et de gens qui la gouvernoient, leurs caprices et leurs nouveaux intérêts ; d’ailleurs, sans discernement aucun et comptant pour rien les troubles, les guerres civiles, le renversement de l’estat, en comparaison de l’intérêt et des volontés de cette lie successive de gens qui disposoient tour à tour absolument d’elle. — Un frère qui, avec de l’esprit et le don de la parole, se laissoit gouverner avec la même facilité et la même dépendance que la reine leur mère, qui n’avoit aucun genre de courage avec très peu de sens et de discernement, des pointes de