Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/429

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
UN POÈTE LYRIQUE ESPAGNOL.

Ceignant encore leurs rustiques guirlandes, — tes bacchantes troublent notre mémoire — avec leurs cheveux dénoués sur l’épaule — et leurs seins nus palpitans ; — et l’on voit encore se promener en silence sur les pentes — du Pinde sacré, qu’elles animèrent jadis, — les muses tristes, mais toujours belles, — couronnées de lauriers, de myrtes et de roses.

La rage dure encore dans les cœurs mortels — de tes noires Euménides ; — tes néréides et tes tritons sillonnent encore — la plaine liquide de la profonde mer ; — on entend encore, dans l’épaisseur du feuillage, — les allègres sons de la flûte de Pan, — quand il exalte et déifie la grandeur — de l’aimante et féconde nature.

La trace lumineuse de ton passage — est comme une étoile qui n’a jamais pu s’éteindre — et tu gardes ta renommée, comme le vase — garde le parfum de la liqueur qu’il a contenue.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Non, ne t’effraie pas de l’avenir inconnu, — contrée infortunée ! Dût un tremblement de terre te briser tout à coup, — dût la mer t’engloutir, tu ne mourrais pas. — Il suffirait d’une strophe, d’un fragment — de statue, d’un fronton de temple, cendres froides — de ton passé, pour ne pas l’oublier, — berceau des dieux et de l’art.


Le poème était à peine achevé et attendait encore d’être publié ; un artiste de talent, ami de l’auteur, don Rafaël Calvo, très goûté à Madrid, imagina de le lire en scène devant le public du théâtre espagnol. L’innovation était heureuse : ces beaux vers, où l’acteur mettait l’art de sa diction et le charme expressif de sa voix, soulevèrent dans la salle d’unanimes applaudissemens. Depuis lors plusieurs autres poèmes ont été lus ainsi sur la scène et toujours avec le même succès. Enfin, en moins d’une année, la Dernière Lamentation de lord Byron a déjà atteint le chiffre de quinze éditions, chose inouïe en Espagne, où jusqu’ici on ne lisait guère et où les livres s’achetaient peu.

L’Idylle suivit de près ; le sujet en est tout intime et familier. C’est l’histoire d’une pure amitié d’enfans qui, se transformant avec l’âge, devient insensiblement l’amour. Sur ce thème si simple, M. Nuñez de Arce a brodé des détails charmans. Qui ne se plairait en effet à ce gentil tableau des jeux de l’enfance ?


Dès l’aube, jusqu’au déclin du jour, — on nous voyait — vaguer çà et là, dans notre accord enfantin. — Nous étions toujours ensemble ; toujours unis, — nous cherchions les nids — dans les arbres touffus du verger.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Combien de fois, courant éperdus — par les vignes et les semis, —