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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/436

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REVUE DES DEUX MONDES.

« Je m’engage à éclairer de la lumière du ciel — ton esprit géant, et en quelque endroit — que tu ailles, tu me verras toujours avec toi.

« Quand tu suivras la véritable voie : — Avance ! te dirai-je, le bien nous guide, — et quand tu commenceras à douter : Espère !

« Et ton âme, en ma tendre compagnie, — montera plus haut, parce qu’elle aura deux ailes — pour s’élever vers Dieu, ta foi et la mienne.

« Je vêtirai pour toi mes vêtemens nuptiaux, — je serai ton épouse mystique et ma main — te soutiendra dans le monde, si tu fléchis.

« Je te montrerai l’inconnu, le caché ; — ton esprit atteindra où n’a jamais pu — atteindre la pensée humaine ;

« Et, unie à toi par un lien invisible, — dans les dures batailles de la vie, — nous serons, toi l’épée, moi le bouclier. »


C’est à dessein que nous avons, dans cette étude, multiplié les citations ; ce nous a paru en somme la meilleure manière de présenter un auteur dont le nom et les œuvres sont encore peu connus chez nous. On a reproché à M. Nuñez de Arce de ne faire vibrer que les cordes graves de sa lyre, d’exprimer plutôt les sentimens énergiques que les émotions douces et tendres, d’être plus passionné que touchant. La critique ne nous semble pas bien juste, et si les tendances naturelles de son talent ou l’influence des événemens et des idées qui font la société moderne l’attirent de préférence vers les sombres tableaux, il sait aussi parler au cœur et trouver les notes émues. Nous n’en voulons d’autre exemple que le dernier morceau que nous venons de citer. Qu’il est touchant l’aveu de Béatrice dont les plaintes troublaient les joies du ciel ! qu’elle est belle et vraiment divine la récompense de Dante, dont l’amour a triomphé, non-seulement des amertumes de la vie, mais des obscurités de la mort, et qui désormais, conduit par sa chaste compagne, s’élèvera par la pensée à des hauteurs jusqu’alors interdites à l’esprit humain !

Deux nouvelles œuvres lyriques de notre auteur sont déjà annoncées : l’Athée et la Guerre et la Peste. Comme leur titre l’indique, elles traiteront, elles aussi, de ces hautes questions sociales qui préoccupent les penseurs de notre époque et renfermeront un enseignement pratique. Mais M. Nuñez de Arce nous promet encore un grand poème. Quel sera-t-il ? Y sentira-t-on d’un bouta l’autre la même intention doctrinaire et moralisatrice ? Il y aurait là peut-être un danger. Que le poète, jusque dans les fantaisies de son imagination, respecte et glorifie les vérités morales, rien de plus juste et de plus convenable. Mais il n’a pas précisément charge de