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peine 12,000 tonneaux. En 1870, il descendait à cent soixante, et le tonnage n’atteignait pas 6,000. Les derniers recensemens datent de 1878 et donnent des chiffres dérisoires ; ils ne signalent que soixante-dix navires à l’entrée qui correspondent à un tonnage de 3,000 tonneaux à peine ; encore faut-il retrancher de ce chiffre une vingtaine de navires qui sont entrés en relâche dans le canal du Grau du Roi, à la suite de quelque bourrasque du sud-est, et sont repartis quelques jours après pour reprendre leur route. Le mouvement réel du port n’a donc été que de cinquante-un navires ; le chiffre des entrées n’a été que de 1,986 tonnes, dont 759 en oranges provenant des Baléares. Les navires sont repartis sur lest, à l’exception d’un seul qui a pris au retour an maigre chargement de 24 tonnes de charbon. La situation est donc lamentable.

À vrai dire, le port d’Aigues-Mortes n’existe plus. Ce n’est pas que les aménagemens actuels ne soient à la rigueur suffisans pour le mouvement du petit cabotage. La rade, on l’a vu, est une des plus sûres de la Méditerranée. Depuis Marseille jusqu’en Espagne, c’est incontestablement le meilleur refuge du golfe de Lyon ; et, pendant les grosses mers du sud-est, le mouillage d’Aigues-Mortes, placé entre la région découverte des embouchures du Rhône, où les vents font rage de tous côtés, et le port de Cette, dont l’entrée est si périlleuse, se présente comme une rade hospitalière, où les navires, affalés à la côte et craignant de continuer leur route, peuvent dans des eaux relativement calmes attendre sur leurs ancres le premier moment d’embellie. L’entrée du Grau du Roi, quoique étroite, ne présente pas de sérieuses difficultés ; des fonds de plus de 3 mètres permettraient aux petits caboteurs de remonter jusqu’à Aigues-Mortes en suivant un chenal large, rectiligne et parfaitement entretenu. Sous les murs de la ville, les navires peuvent accoster bord à quai et trouvent des wagons qui facilitent le débarquement immédiat des marchandises et assurent leur expédition par un chemin de fer relié aux grandes lignes du réseau national. Cet ensemble de conditions semblerait propre à développer une certaine vie commerciale dans l’ancienne ville de saint Louis. Il n’en est rien. Malgré quelques travaux modernes et l’installation d’une gare maritime, la désertion est générale, l’abandon complet. Cette et Marseille ont absorbé toute l’activité de la région. Les transports par chemin de fer ont porté le plus rude coup au commerce local et au petit cabotage ; et il est probable que ce mouvement de concentration, cet épuisement de tout un littoral au profit de deux ports privilégiés n’est pas sur le point de s’arrêter. Cette centralisation excessive n’a pu se produire qu’au détriment des villes et des ports secondaires, qui sont depuis vingt ans dans une période de déclin manifeste. Tout comme Aigues-Mortes, qui est le seul