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révélation ; l’image des grandes vertus en est une que Dieu donne à la terre.


Qui vous connoit, voudroit être immortel,
Qui vous imite, un jour est sûr de l’être.


L’impossibilité qu’une aussi belle âme que celle de Mme Necker fût anéantie en même temps que sa frêle enveloppe était un argument sur lequel Thomas se plaisait à revenir pour répondre aux incertitudes de son esprit, en même temps que l’espérance de la retrouver un jour lui paraissait une des meilleures parts de l’immortalité :


Oh ! qu’il est doux de croire à cette communication des mondes, à ces rapports invisibles et toujours subsistans des âmes avec nous ! qu’il est doux de penser que ce silence éternel n’est qu’apparent, que la tombe n’est qu’un passage dans une autre province de l’univers, que ceux qui nous ont inspiré des sentimens si chers peuvent encore les entendre, même sans y répondre ; que leur âme peut quelquefois descendre dans la nôtre pour y jouir de nos regrets ; que la sensibilité et la vie existent au-delà des limites des sens pour n’être plus ni arrêtées, ni bornées, et qu’il y a un port éternel où se rassemblent tous les débris de naufrages sur lesquels nous pleurons ! D’après ces douces et consolantes idées, du moins n’avons-nous pas tout perdu ; ceux que nous avons aimés ne sont qu’absens. La vie, partout où elle est, communique et touche à la vie par la pensée. Nos parens, nos amis, enlevés à nos yeux, existent pour nous comme Dieu même, loin de nous par la nature, près de nous par la conscience et le sentiment. Nous sommes sûrs que du cercle où nous sommes, quoy que nous ne puissions en mesurer la circonférence, il y a un point qui aboutit jusqu’à eux. Ne pensés-vous pas, comme moi, que de toutes les idées de l’homme celle de la mort est peut-être la plus active et la plus étendue ? A peine elle s’offre à notre esprit, qu’elle nous entraîne dans les idées du temps, de l’espace, de l’éternité, du fini et de l’infini. Elle nous jette dans les profondeurs de la nature divine dont nous cherchons à deviner les desseins et vers laquelle nous tendons toutes nos pensées, comme ceux qui sont prêts à être engloutis par la mer tendent leurs bras vers le rivage. L’idée de la vie nous arrête sur les objets qui frappent nos sens et pour ainsi dire sur la surface de l’existence ; l’idée de la mort nous ouvre le monde de la pensée, de l’âme, d’une existence plus profonde et plus inconnue. Elle nous fait parcourir les cieux, les mondes, Dieu même, pour y trouver un abri contre la destruction qui nous menace. Il y a eu des âmes sur la terre qui ont dû faire naître le dogme de l’immortalité. Elles étoient trop grandes pour qu’on pût les confondre avec ce qui doit périr. Le soupçon même qu’elles pouvoient cesser d’être un