Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point les traces de Bordeu et de Barthez, c’est surtout par sa théorie des deux vies : la vie organique et la vie animale; celle-ci commune au végétal et à l’animal, celle-là propre à l’animal seul; l’une tout intérieure, l’autre extérieure ; l’une bornée aux fonctions de nutrition et de reproduction, l’autre résidant surtout dans les fonctions de relation. Le végétal, dit-il, est comme « l’ébauche et le canevas » de l’animal. Il suffit, pour le transformer en animal, de le revêtir d’appareils extérieurs propres à établir des relations avec le dehors. En acquérant une vie supérieure, l’animal ne re- nonce pas à la vie du végétal ; il réunit en lui-même les deux vies. De là un dualisme que Maine de Biran a souvent invoqué et dont il est parti pour pousser plus loin, en distinguant également deux vies en psychologie : la vie animale et la vie humaine.

Les deux vies, selon Bichat, se décomposent à leur tour chacune en deux ordres de fonctions. Dans la vie animale, par exemple, il y a celles qui vont de l’extérieur au cerveau, et celles qui vont du cerveau à l’extérieur, c’est-à-dire aux organes de la locomotion et de la voix. Dans le premier cas, l’animal est passif; dans le second, il est actif. Une proportion exacte règle ces deux ordres de fonctions : la vivacité du sentiment entraîne la vivacité du mouvement; la lenteur et l’engourdissement des sensations ont pour conséquence la suspension du mouvement : c’est ce qu’on voit dans le sommeil et chez les animaux hibernans. Il en est de même de la vie organique ; là aussi deux sortes de fonctions et deux mouvemens en sens inverse : « l’un compose, l’autre décompose, » assimilation et désassimilation; d’une part, l’animal s’agrège les matières externes nécessaires à la conservation de son être; de l’autre, il restitue au dehors les substances devenues hétérogènes à son organisation. Parmi les fonctions assimilatrices, les principales sont la nutrition et la respiration ; les fonctions de désassimilation sont : l’absorption, l’exhalation et la sécrétion. La circulation sert de passage entre les deux; « le système sanguin est un système moyen, centre de la vie organique, comme le cerveau est le centre de la vie animale. » Mais il n’y a pas ici entre les deux ordres de fonctions la même proportion qu’entre les deux fonctions de la vie animale; l’affaiblissement dans les fonctions nutritives n’a pas pour conséquence d’arrêter le progrès de la fonction excrétive : au contraire, l’animal meurt s’il ne répare pas ses pertes.

Bichat compare ensuite les deux vies, soit par rapport aux organes, soit par rapport aux fonctions. Quant aux organes, le caractère essentiel de la vie animale, c’est la symétrie, et celui de la vie organique, l’irrégularité. Voyez en effet; les organes des sens sont doubles: deux yeux, deux oreilles, deux narines; l’organe du