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L’APÔTRE DE LA DESTRUCTION UNIVERSELLE.

Carthagène, place très forte, dont l’arsenal de marine fournissait des moyens de défense formidables, il fallut un siège en règle qui dura jusqu’en janvier 1874. Le dernier épisode du drame, pendant ce même mois, fut un sanglant combat dans les rues de Barcelone, où les cantonalistes combattirent avec l’énergie du désespoir.

Le mouvement finit comme d’ordinaire par un 18 brumaire. Vainqueur des cantonalistes, le général Pavia s’était entendu avec le général Serrano. Il fait passer à Salmeron, président des cortès, un billet le priant de dissoudre l’assemblée. Les députés nomment Castelar dictateur au milieu de transports d’enthousiasme indescriptibles. Ils jurent de mourir sur leurs bancs. Une compagnie de fusiliers entre dans la salle ; des coups de fusil partent ; la confusion est au comble. Une demi-heure après, tout est terminé : Serrano est dictateur, et bientôt le roi Alphonse remonte sur le trône de ses pères. Cet épisode est instructif. Il montre une fois de plus comment l’anarchie conduit à un coup d’état.

L’Internationale pénétra en Portugal vers 1872, et depuis lors elle y a compté un assez grand nombre de sections et différens organes, entre autres le Journal do trabalho, la Tribuna et o Rebate à Lisbonne, le Clamor do povo et o Protesto à Porto. Chaque année, les socialistes portugais se réunissent en congrès. Leur programme est un « anarchisme « modéré, sans menaces d’expropriation, de massacres et de pétrole. Différentes causes expliquent cette attitude moins agressive. Le Portugais est moins violent que l’Espagnol, la situation économique du pays est meilleure et enfin la liberté étant très grande a prévenu l’explosion des fureurs populaires ailleurs exaspérées par la compression.


Il résulte de cette esquisse rapide de l’histoire de l’Internationale que le socialisme, fût-il victorieux en un jour de surprise, ne peut tirer parti de son triomphe momentané. Une révolution politique est devenue facile ; une évolution sociale est inévitable ; mais une révolution sociale est impossible, parce qu’on ne change pas en un jour et par la force la constitution économique des sociétés. Toutefois, il est certain que beaucoup de gouvernemens font précisément ce qu’il faut pour provoquer de redoutables bouleversemens. En effet, d’une part les armemens sans cesse accrus et les impôts de plus en plus accablans ruinent les populations et les réduisent au désespoir. D’autre part, on comprime sans merci toute manifestation de leurs souffrances et de leurs vœux de réforme.

Le socialisme, on l’a vu, existe maintenant partout, mais tandis que, dans les pays libres, comme en Angleterre, en Suisse ou en Belgique, il organise des congrès et des banquets où il discourt,