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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/687

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ses traits fins, ses longs cheveux bouclés, son joli minois, son grand chapeau à larges bords relevés et la robe étroite où il est emprisonné, il n’est pas inutile de recourir au livret pour être rassuré sur le sexe de cet enfant. Sa petite moue et son air malheureux semblent protester contre cet accoutrement de fillette; il rêve sans doute d’un vêtement plus viril. C’est là l’ambition de ces petits hommes, mais on ne les consulte guère, ces petits. Comme ils font bien ainsi, à la promenade avec leur gouvernante, ou bien immobiles sur le devant d’une calèche, vis-à-vis de leurs parens, on ne tiendra pas compte du déplaisir de l’enfant. Il faut qu’il se résigne à passer dans cette parure à la postérité. Accroché dans quelque intérieur somptueux, son portrait en fera un ornement de haut goût qui ne craindra le rapprochement d’aucun luxe, même du plus sévère, surtout du plus magnifique. Au Salon déjà, il est d’un voisinage bien dangereux à autrui, et il n’y avait guère que M. Carolus Duran pour soutenir ainsi, montée à ce diapason, la fanfare joyeuse de tant de rouges réunis. C’est une gageure qu’il a gagnée en se jouant, Il a beau dépenser ici à pleines mains l’exubérance de son talent, il semble qu’il n’y arrive point et qu’il se contienne encore. En vérité, la nature a été prodigue envers ce peintre. L’avouerons-nous cependant, en face de ces œuvres retentissantes, si nous songeons beaucoup à lui, nous oublions un peu ses modèles. C’est quand il se résigne à réfréner le plus qu’il peut son ardeur qu’il nous paraît le plus fort, et lorsque, par un effacement volontaire et raisonné de son exécution, il arrive à reporter sur eux le meilleur de notre attention, alors, — comme dans ce beau portrait de Mme de N., qui lui a valu l’an dernier son succès le plus haut et le plus mérité, — il offre à notre admiration une de ces œuvres parfaites telles que les plus grands n’en produisent qu’à leurs bons jours, disons le mot : un chef-d’œuvre.

C’est une mondaine aussi que nous montre M. Jacquet, et il y a bien de la grâce et de l’élégance dans son Portrait de Mme D. . Il y a plus encore, et avec l’éclat des chairs et le goût de l’ajustement, bien des traits délicatement observés et finement rendus donnent à cette physionomie toute parisienne un charme à la fois piquant et intime. Le sourire de la bouche, la douceur d’un regard où se lit autant d’esprit que de bonté, la franchise avouée de ces cheveux grisonnans auxquels la fraîcheur du teint et la jeunesse du visage et de la tournure donnent un si coquet démenti, tout cela forme un ensemble délicieux qui attire et retient. La spirituelle indication des mains gagnerait à être poussée un peu plus avant. Ces mains sveltes et mignonnes méritent qu’on les suive dans leur modelé et leurs fines inflexions; elles achèveraient de caractériser la personne