Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/722

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cap, sir Bartle Frère, administrateur habile que le cabinet paraît tenir à conserver dans son poste et dont on a réclamé avec âpreté le rappel. Ce ne sont là après tout que des questions de détail qui créent plus de peiits ennuis que de difficultés sérieuses. Avec la majorité qui existe dans le parlement, elles n’ont de valeur que comme symptômes d’une situation. Lord Beaconsfield, qui n’a pas perdu sa verve en retombant du haut de sa gloire ministérielle dans l’opposition et qui est toujours prompt au sarcasme, disait tout récemment dans un meeting conservateur : « Le ministère libéral est à l’heure qu’il est une famille heureuse et unie. Le lion y repose près de l’agneau, et l’on dit que l’avenir doit être illuminé des feux d’artifice combinés des libéraux et des radicaux ; mais comment ces élémens discordans pourront demeurer unis, c’est là un problème qui reste à résoudre… » L’habile railleur sait bien où il vise : c’est là en effet le problème à résoudre, et les vraies difficultés naîtront lorsqu’on abordera toutes ces questions qui touchent à la législation électorale, à la propriété, à l’église, qui ne sont point sans doute du radicalisme comme nous l’entendons, qui ne remuent pas moins en Angleterre de puissans et tenaces intérêts.

On n’en est pas encore là ; on n’aura même pas cette année, dans une session qui sera abrégée le plan de finances de M. Gladstone, et la question la plus grave dont le cabinet de Londres se soit occupé jusqu’ici est cette question d’Orient toujours renaissante et toujours fuyante. Les affaires d’Orient ont eu la première place dans le discours de la reine, elles ont été l’objet des premiers soins de lord Granville à son entrée au foreign office : elles paraissent être le terrain choisi par le gouvernement libéral pour donner la mesure de sa politique.

Évidemment, et c’est ce qui résulte déjà des explications données dans le parlement, il n’y avait pour le ministère anglais qu’un seul point de départ possible : c’était l’exécution du traité de Berlin, de ce traité qui, après avoir passé par tant de phases différentes, reste encore un problème dans quelques-unes de ses parties les plus essentielles, dans tout ce qui touche à la réorganisation intérieure des provinces ottomanes comme aux frontières de la Grèce et du Monténégro. En réalité, le dernier ministère, qui avait d’abord si bruyamment triomphé de l’œuvre de Berlin, avait singulièrement négligé d’en surveiller les suites pratiques dans ces derniers temps ; il semblait n’avoir d’attention que pour les combinaisons continentales par lesquelles il se flattait sinon de régler la situation de l’Orient, du moins de faire face à la Russie. Il y a eu depuis plus d’un an une série de négociations où lord Salisbury et lord Beaconsfield ont joué un rôle assez évasif. On a cru un instant, il n’y a que quelques semaines, toucher au but, c’est-à-dire à la formation d’une commission européenne qui aurait été chargée d’en finir avec cette délimitation entre la Turquie et la Grèce, lorsque les élec-