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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/768

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CINQUANTE ANNÉES
D’HISTOIRE CONTEMPORAINE

MONSIEUR THIERS


II.[1]
COMMENT SE FONDE UN GOUVERNEMENT. — M. THIERS ET LA MONARCHIE DE 1830.

Un jour, peu avant juillet 1830, Royer-Collard s’entretenait avec M. Mignet, dont il aimait la jeunesse sérieuse et le talent; il lui parlait de l’avenir incertain de la France, des Bourbons, auxquels il restait lié, tout en les jugeant avec une liberté hautaine, du duc d’Orléans, à qui il croyait peu, des chances d’une révolution de dynastie, et il ajoutait de son inimitable accent : « Pour prendre une couronne, il faut être un grand homme... Il y a plus loin du Palais-Royal aux Tuileries que d’Ajaccio aux Tuileries[2]. »

  1. Voyez la Revue du 1er avril.
  2. Si on veut rapprocher les impressions des hommes sur certaines situations, on n’a qu’à mettre en regard de ces paroles de Royer-Collard ce que lord Palmerston, passant à Paris l’hiver de 1829, écrivait d’un ton assez dégagé : « Si le roi allait porter son entêtement jusqu’à l’action et s’il était appuyé par un ministère audacieux et désespéré, assez fort pour affronter l’orage de l’opinion publique, alors et dans ce cas le résultat serait probablement un changement d’habitans aux Tuileries, et le duc d’Orléans au Palais-Royal pourrait être invité à traverser la rue. » On voit que lord Palmerston ne jugeait le voyage du Palais-Royal aux Tuileries ni aussi long ni aussi difficile à faire.