Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/883

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

navires où elles étaient entassées. Le régime des prisons d’Angleterre était d’ailleurs tout aussi malfaisant ; nulle distinction n’y était faite entre les enfans et les adultes de tous âges, entre les fous et les meurtriers, les voleurs et les prisonniers pour dettes. Prévenus et condamnés s’y trouvaient confondus, et, s’il y avait quelque différence entre les détenus, elle n’était autre que l’éternelle différence entre ceux qui ont de l’argent et ceux qui n’en ont pas. Les premiers, quel que fût le motif qui les avait amenés là, se procuraient des alimens recherchés, un cabinet avec un lit et des meubles ; les autres vivaient en commun, malades ou bien portans, entassés dans des chambres trop petites et mal tenues. Les gardiens n’étaient autres que des prisonniers, choisis pour cet emploi parce qu’ils avaient su se donner l’apparence du repentir. Le régime pénitentiaire était donc malfaisant à tous les points de vue ; les condamnés sortaient de la maison de force pires qu’ils y étaient entrés.

D’honnêtes philanthropes en avaient entrepris déjà la réforme. John Howard, retenu en captivité pendant la guerre de sept ans, avait éprouvé toutes les rigueurs auxquelles innocens et coupables étaient soumis sans distinction ; il consacra le reste de sa vie et sa fortune à diriger seul une enquête sur le sort des prisonniers dans tous les états de l’Europe. Au commencement du siècle. Mrs Fry créa une association de dames pour visiter à de fréquens intervalles les prisons de femmes. Enfin Bentham sut persuader au gouvernement de construire une maison de détention sur un plan rationnel. En même temps, le pilori était supprimé ; les punitions corporelles devenaient moins fréquentes. Il restait encore à réformer l’organisation de la police, où de graves abus s’étaient introduits.

Chaque paroisse de Londres avait ses gardiens de jour et de nuit, gardiens vigilans peut-être sur le territoire où ils exerçaient leurs fonctions, mais qui s’abstenaient avec soin d’intervenir à ce qui se passait sur la paroisse voisine. D’une rue à l’autre, ou même d’un côté à l’autre d’une même rué, ils seraient restés témoins impassibles d’un crime perpétré en dehors de leur circonscription. Mal rétribués au surplus, ils s’en dédommageaient par les profits du métier que la loi ou l’usage leur attribuait. L’arrestation d’un criminel était payée 40 livres sterling sur les fonds du trésor, pourvu que le crime fût un peu grave. Aussi l’homme de la police avait-il tout intérêt à ne poursuivre que les plus coupables ou à les faire paraître plus coupables qu’ils n’étaient. L’arrestation d’un mendiant était tarifée au prix de 10 shillings. Quoi de plus simple que de supposer le délit de mendicité ? Au besoin, le vagabond et le sergent de ville s’entendaient ensemble. À part ces crimes ou délits dont elle vivait, la police s’occupait peu du reste. La loi pénale,