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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/896

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serait compliqué dans l’exécution et n’amènerait pas de résultat sérieux, on choisit particulièrement quelques impôts plus défavorables que d’autres au progrès de la consommation et on les supprime tout à fait ou on les abaisse tellement que la consommation s’en ressent immédiatement. C’est ce qu’on a fait pour les droits sur le thé, le café et le sucre. C’était la grande politique financière de Robert Peel, continuée par M. Gladstone, et elle a, je le répète, si bien réussi qu’on n’a pas tardé à recouvrer dans la plus-value de la richesse l’équivalent des sommes qu’on avait abandonnées par le dégrèvement. Il faut faire de même en France et, au lieu d’opérer un dégrèvement insignifiant sur le vin, il faut prendre une autre denrée d’un grand usage et lui appliquer tout le bénéfice du dégrèvement : le sucre nous paraîtrait parfaitement indiqué pour cela. Si on réduisait tout à coup l’impôt qui pèse sur cet article de 40 ou 50 pour 100, il est évident que ce dégrèvement ne passerait pas inaperçu, et il serait impossible aux intermédiaires d’en mettre le montant dans leur poche ; il faudrait bien que le consommateur en profilât. Dans un pays comme le nôtre, où la richesse augmente chaque jour, la consommation du sucre pourrait aisément doubler, et elle n’atteindrait pas encore celle qui existe dès aujourd’hui en Angleterre ; si elle doublait, l’abandon du droit serait compensé et on aurait, de plus, une augmentation à peu près semblable dans l’usage de toutes les denrées auxquelles le sucre est mêlé, comme le thé, le café, le chocolat, etc. Ce serait donc un excellent dégrèvement et le plus fécond de ceux qu’on pourrait tenter, étant donné qu’on veuille consacrer la plus grosse partie des ressources disponibles à diminuer les taxes de consommation.

Maintenant, il y a une autre taxe encore dont on parle beaucoup moins, parce qu’elle ne paraît pas toucher aussi directement les contribuables et qui n’en a pas moins aussi des effets très malheureux. C’est celle qui pèse sur les transports à grande vitesse, comprenant voyageurs et marchandises et sur les récépissés et lettres de voiture. Dans un livre que nous avons publié récemment sur la Question des impôts, nous croyons avoir démontré que l’impôt le plus fâcheux était celui qui apportait le plus d’obstacles au progrès de la richesse, que c’était même le seul fâcheux, car les autres, quand ils sont modérés et bien choisis, entrent dans le prix des choses et par une répercussion fatale atteignent ceux qu’ils doivent atteindre, c’est-à-dire les consommateurs ; ils n’ont d’autre inconvénient que d’être une charge plus ou moins lourde ajoutée aux dépenses générales de la société ; mais si la charge est justifiée par les services de l’état, il n’y a rien à dire. Pour l’impôt sur la grande vitesse, il n’y a pas d’atténuation, il est un obstacle réel