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Belgique, partout où il y a des chemins de fer aux mains de l’état, l’exploitation coûte fort cher et laisse peu de profits nets. En ce moment, en Allemagne, on s’occupe de racheter les chemins de fer de la Westphalie pour amener à meilleur marché les marchandises du sud dans les ports de la mer Baltique et lutter contre la concurrence anglaise. C’est à merveille. Mais si, pour arriver à ce résultat, on abaisse démesurément les tarifs et qu’il n’y ait plus de produit net, qui paiera les frais du rachat? Ce seront les contribuables. On peut l’admettre encore pour l’Allemagne, qui n’a pas les mêmes charges que nous et où d’ailleurs cela peut paraître un moyen de fortifier l’unité politique. Mais ajouter pour ce rachat, comme il faudrait le faire en France, 14 ou 15 milliards de dettes nouvelles aux 26 que nous possédons déjà, et porter le tout à 40 milliards et plus, afin de donner une subvention au commerce, sous forme d’abaissement de tarifs, ce serait le comble de l’imprudence. Le gouvernement qui accomplirait un pareil acte encourrait la plus grande des responsabilités, la banqueroute pourrait se trouver au bout. Il n’y a pas chez nous d’unité politique à fortifier, l’œuvre est faite depuis longtemps. Il n’y aurait que de faux intérêts à servir et de mauvaises passions à satisfaire. Sur le terrain économique, qui est le seul où l’on doive se placer, le meilleur moyen pour obtenir l’abaissement des tarifs, c’est de s’entendre avec les compagnies. Que l’état abandonne une partie de la taxe sur la grande vitesse, les compagnies feront un autre sacrifice, et le tout se traduira par une diminution sensible dans les frais de transport, à l’avantage de tout le monde et sans violation d’aucun principe. Mais le trésor perdrait à cet abandon 40 millions, qui, ajoutés aux 70 du dégrèvement à faire sur les droits de mutation ou sur les sucres, dépasseraient 100 millions. Est-il en mesure de supporter cette perte, même momentanément?

Avant d’examiner cette question, qu’il nous soit permis de dire d’abord qu’il serait très urgent de remanier nos taxes. Les 800 millions d’impôts nouveaux qui ont été établis en 1871 après la guerre l’ont été un peu au hasard, sans aucune règle scientifique; on était pressé par le besoin et on mettait des taxes là où l’on espérait pouvoir les recouvrer le plus aisément et le plus rapidement. — Nous n’avons pas à récriminer contre cette manière d’agir, elle était commandée par la nécessité. Mais aujourd’hui que nous sommes, grâce à Dieu, dans une tout autre situation, que nous commençons à réaliser des excédens de recettes, il faudrait en profiter pour mettre plus d’ordre et de science dans l’assiette de nos impôts et modifier surtout ceux qui gênent le plus le progrès de la richesse. C’est pour cela que nous proposons de porter d’abord le dégrèvement