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nos jours des proportions gigantesques, et on n’est pas sûr qu’elle n’augmentera pas encore ; on peut même dire qu’elle augmentera certainement s’il n’y a pas d’amortissement pour l’atténuer. Cette crainte suffit pour arrêter l’essor de notre crédit. Nous sommes solvables aujourd’hui, très solvables assurément. Mais qui peut répondre que nous le serons encore demain si nous subissons une crise et qu’il nous faille emprunter à nouveau? Au moins s’il y avait un amortissement, nous aurions peut-être déjà remboursé l’équivalent de ce que nous devrions emprunter, et les conditions de l’emprunt seraient meilleures. Supposons que, par suite de l’amortissement, le taux du crédit s’élève de 1/12 pour 100 seulement, cette supposition n’a rien d’invraisemblable, elle est au contraire conforme à toutes les probabilités. L’état, qui a encore besoin d’emprunter pour ses grands travaux publics, ferait une économie importante, et elle ne serait pas moindre pour le commerce. Il y a bien dans notre pays pour 50 milliards au moins de transactions qui reposent sur le crédit, qui sont soutenues par du papier mis en circulation et escompté. Si ce papier coûte 1/2 pour 100 de moins, voilà 250 millions d’économie par an. C’est absolument comme si on dotait tout d’un coup notre commerce d’une subvention annuelle de pareille somme. Cette assistance vaudrait mieux que tous les relèvemens de tarifs qu’on demande : elle aurait l’avantage d’être plus conforme au progrès, de ne rien coûter à personne, excepte aux rentiers, qui en feraient les premiers frais par la conversion, mais qui ne tarderaient pas à en retrouver l’équivalent dans la plus-value de la richesse.

Dégrèvement et amortissement, voilà les deux nécessités de la situation, et nous devons faire les deux choses à la fois si nous voulons asseoir nos finances sur une base solide. On admet bien la nécessité du dégrèvement, sauf à discuter sur le mode et sur l’importance des ressources à y consacrer. On comprend moins celle de l’amortissement. Cependant, si on veut bien y réfléchir, on trouvera que l’amortissement est peut-être encore plus utile que le dégrèvement; il a une influence plus directe sur les rapports économiques. Vous dégrèverez de 100 millions : ce sera excellent sans doute et très apprécié par les contribuables; mais cela ne produira d’effet que jusqu’à concurrence de ces 100 millions, et encore n’est-il pas sûr que le prix des choses diminuera et que le bénéfice ne sera pas absorbé en partie par des intermédiaires; avec l’amortissement, on arrivera dans un temps donné à l’extinction d’une dette de 7 milliards, et en attendant on verra le taux du crédit s’élever sensiblement; le commerce et l’industrie auront une somme moins considérable à payer pour le loyer du capital. L’amortissement,