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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/926

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fer et une cuiller de cuivre juxtaposés ne constituent pas une donnée très compliquée. Impossible au reste d’imaginer entre ces objets la moindre relation; la marmite est trop petite pour faire cuire la courge et il n’y a pas place pour le sentiment dans cette affaire. Le parti-pris de nous montrer de quelles humilités peut s’accommoder la peinture est ici évident. En la réduisant à ce minimum, M. Vollon a voulu nous obliger encore à nous arrêter en face de son œuvre. Il y est arrivé ; nous lui en donnons acte, car jamais il n’a poussé plus loin la puissance du ton et la mâle délicatesse de l’exécution. Afin de rendre sa démonstration plus éclatante, il semble même que pour cette fois il ait tenu, par la largeur plus grande du parti, à simplifier encore la pauvreté de ses modèles. Il a gagné sa gageure, et nous l’aurions juré d’avance. Mais le public pourrait trouver que M. Vollon le met à ration trop congrue. La peinture n’est pas faite uniquement pour les peintres.

Nous voici presque au bout de notre course, et, bien que la petite exposition de la rue Laffitte, en nous privant du concours de MM. Détaille, Jacquemart et Heilbuth, ait comme découronné le groupe de nos aquarellistes, nous trouverions encore bien des découvertes à faire dans les salles qui leur ont été réservées cette année. Il faudrait pouvoir s’arrêter plus longtemps devant les Fleurs de MM. Schuller et Morand, devant les Portraits de M. Bellay, devant ces Paysages de M. Devilly, où, dans leur brièveté, les indications sont si justes et où le travail de la couleur est mené avec une sûreté si magistrale. On aimerait à revoir Venise avec M. Benouville, et, dans les aspects pittoresques qu’il en a choisis, un dessin très ferme soutient les tons légers de ces monumens qui se détachent sur les claires transparences du ciel. Les gouaches de M. Furet, des Vues de Suisse et du Jura, mériteraient aussi mieux qu’une courte mention. Elles sont exquises de fraîcheur, et ces amandiers roses, ces bourgeons qui semblent aussi des fleurs, toutes ces gaîtés et ces ondoyantes colorations de la nature au printemps forment un délicieux contraste avec les neiges qui persistent encore sur le haut des montagnes. Dans la salle voisine, avec les fusains de MM. Lalanne et Allongé, nous aurions à noter les amusans croquis faits par M. Renouard d’après les dames artistes de nos musées; la scène piquante et très finement rendue que ce même personnel féminin a inspirée à M. Dagnan-Bouveret, et enfin les charmantes compositions de M. Boilvin destinées à illustrer les poésies de M. Coppée, dessins de ce graveur habile dont les débats comme peintre ont été si remarqués et qui, à force de grâce et de distinction dans la Nourrice et les Muses, par exemple, arrive facilement au style.