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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/962

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M. Gruyer donne l’énumération d’une quarantaine de petits ouvrages de Savonarole publiés en Italie pendant les dernières années du XVe et les premières du XVIe siècle avec des illustrations devenues populaires. Il y a recherché tout d’abord, pour la série de ses fac-similé, celles de ces estampes qui ont trait directement à son personnage, soit qu’elles le représentent lui-même en quelque épisode de sa vie, soit qu’elles reproduisent quelqu’une de ses visions ou quelqu’une des images sacrées auxquelles se rapportait son langage. Par exemple, à son sermon sur l’art de bien mourir, prononcé le 2 novembre 1496 et imprimé aussitôt d’après le manuscrit d’un de ses auditeurs, dalla viva voce del padre mentre che predicava, on trouve adjointe une gravure sur bois qui traduit d’une manière pittoresque ces paroles : « Ayez toujours devant les yeux une image représentant le paradis en haut et l’enfer en bas. La mort marche à votre rencontre. Elle vous crie : Vous ne m’échapperez pas! Regardez donc où vous voulez aller, en haut dans le paradis ou en bas dans l’enfer : o qua su, o qua giù ! » — Savonarole a dit encore : « Ayez chez vous une image représentant un homme qui commence à être malade et la Mort qui frappe à sa porte. Le diable est aux aguets; il vous tend des embûches, vous fait penser au siècle, à votre maison, à votre boutique… Mon fils, prenez garde, recourez au crucifix. » La traduction de ces paroles est dans cette seconde gravure : le malade est étendu; il tend sa droite au médecin, qui lui tâte le pouls en se bouchant le nez avec une éponge imbibée de vinaigre pour se préserver de la contagion. Le diable est là, avec deux petits démons, qui guette sa proie; la Mort, sa faux à la droite, a l’autre main posée sur le marteau de la porte; mais le crucifix est au mur en face du malade, et la Madone apparaît avec le Bambino et les anges. — Voici encore Savonarole prêchant, Savonarole discutant avec un astrologue, Savonarole écrivant dans sa cellule, Savonarole se rendant comme ambassadeur des Florentins auprès de la Vierge, en compagnie de la Simplicité, de la Prière, de la Patience et de la Foi. — On s’étonne de ne pas rencontrer dans cette série l’image de la vision célèbre du glaive suspendu au-dessus de Florence : n’a-t-elle donc pas été reproduite par le dessin et la gravure? M. Gruyer ne la mentionne même pas, et nous ne l’avons pas rencontrée non plus parmi les œuvres du dominicain que nous avons pu parcourir. — Il y avait certainement des représentations du supplice : on regrettera de n’en rencontrer aucune dans le livre de M. Gruyer. Il nous dit que ce sujet a été traité deux fois, mais par de médiocres interprètes. Cependant la gravure que nous trouvons en tête des Esamina, c’est-à-dire des derniers interrogatoires de Savonarole, ne paraît pas beaucoup plus mauvaise que plusieurs de celles qu’a admises l’auteur, et elle est tout au moins intéressante par le terrible épisode qu’elle reproduit avec un incontestable cachet de vérité. On y