Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il tombe frappé d’une blessure mortelle. Étranges commencemens ! singulière destinée d’une famille appelée par le sort à connaître les suprêmes faveurs comme les dernières disgrâces de la fortune !

Il fallut fuir de nouveau, et cette fois sans retour. Don Francisco de Valenzuela reprit son service dans l’armée espagnole. Il était capitaine et gouverneur militaire de la place de Santa-Agata, lorsqu’il épousa, à Naples, une personne de qualité, originaire de Madrid, doña Leonor de Encisa y Avila. De ce mariage naquit, le 19 janvier 1630, don Fernando de Valenzuela. Le père mourut peu de temps après.

Doña Leonor, comprenant que son fils n’avait à espérer d’autre fortune que celle qu’il réussirait à se créer lui même, voulut le mettre sur le chemin. Elle le fit entrer, adolescent, comme page (criado) dans la maison du duc de l’Infantado, ambassadeur d’Espagne auprès du saint-siège et vice-roi de Sicile. L’enfant fit paraître au service de ce noble maître beaucoup d’intelligence, d’exactitude et de dextérité, accompagnées d’un sérieux au-dessus de son âge. Peu familier avec ses égaux, hautain même, le jeune page faisait quelquefois rire le duc et les officiers de sa maison par ses boutades andalouses, l’entendant quelquefois affirmer avec une assurance comique « qu’un jour viendrait où ce serait à lui de commander à son tour. »

A l’expiration de sa charge, le duc de l’Infantado, étant retourné à la cour, licencia une grande partie de ses serviteurs, et Valenzuela se vit obligé de quitter la maison qui jusqu’alors avait été son asile. Ce fut le moment le plus pénible de sa vie, celui sur lequel ses ennemis ont jeté quelques ombres équivoques, le représentant alors comme paseante in corte, c’est-à-dire réduit à peu près à vivre sur le pavé de Madrid. Il n’en était pas tout à fait ainsi ; Valenzuela trouva aide et protection, en ces jours difficiles, auprès de quelques personnes distinguées de la famille de sa mère. Il voyait le monde, prenait l’expérience des hommes et des choses, formait son jugement et son coup d’œil, étudiant le terrain, épiant les occasions favorables. Il avait des dehors agréables, beaucoup de politesse et d’aisance de manières, acquises au contact des grands seigneurs. À ces avantages extérieurs il ajouta des études sérieuses, fortifiant son esprit, cultivant les lettres et les arts, s’occupant de musique et de poésie. Mais l’ambition dominait tout. Résolu à faire son chemin, le cavalier andalous employait surtout les efforts de son intelligence à tâcher de s’ouvrir un accès auprès de quelque personnage ayant part au gouvernement.

Son étoile le servit heureusement. — Comment, après de tels commencemens, l’obscur gentilhomme de Ronda parvint-il à s’élever