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son adversaire et des valientes capables de protéger sa personne contre un coup de main. Valenzuela vint lui offrir son zèle et son épée, accompagnant cette offre des marques de la plus entière soumission et des protestations d’un dévoûment sans bornes. Ses propositions furent acceptées. Le bon père, ayant fait l’épreuve de son courage, de son intelligence, de son activité et de sa discrétion, l’attacha secrètement à sa personne, et finit par l’initier aux affaires les plus importantes de l’état.

Le cavalier andalous eut ainsi entrée au palais, d’où il pouvait observer la cour. Son premier soin fut d’étudier le terrain nouveau sur lequel le plaçait la fortune ; et il comprit bien vite que, parmi les dames de la reine, aucune n’était plus avant dans ses bonnes grâces que doña Maria de Ucedo, d’une famille alliée à la maison d’Albe. Il se déclara ouvertement son admirateur, et aspira bientôt à sa main. Soins multipliés, attentions et prévenances, vers galans, collations, sérénades, il ne négligea aucun moyen pour réussir. Servi d’ailleurs par les remarquables agrémens de sa personne, il finit par épouser la camarera favorite avec l’assentiment de sa majesté.

Cependant le père Nithard s’attachait de plus en plus à notre gentilhomme à raison des services très réels qu’il en recevait, se complaisant dans le succès d’un homme qu’il regardait à bon droit comme sa créature. Assuré d’ailleurs de son propre crédit comme ministre et comme confesseur, il ne songeait pas même à prendre ombrage des progrès de sa fortune. Dans ses conférences avec la régente, le père Nithard avait maintes occasions de rendre de bons témoignages du zèle éprouvé de son agent particulier. A l’époque de son mariage, Valenzuela était donc favorablement connu de la reine par l’intermédiaire du premier ministre. Pour cadeau de noces, Marie-Anne d’Autriche le rapprocha de sa personne en le nommant son écuyer.

Il vivait péniblement de ses maigres appointemens assez mal payés lorsqu’un soir, en rentrant chez lui calle de Leganitos, il reçut un coup d’arquebuse qui lui fracassa le bras. Cette tentative d’assassinat fut attribuée au duc de Montalte et peut être considérée comme la vengeance à l’espagnole d’un mari grand seigneur. Les frais de traitement et de médecin eurent bientôt épuisé les ressources du ménage, et Maria de Ucedo se vit dans la nécessité d’implorer l’assistance de la reine. Des secours lui furent plusieurs fois accordés. Craignant alors d’abuser des bontés de sa souveraine, la camarera prit un moyen détourné de se pourvoir. Il se présentait un emploi de peu d’importance, pour lequel un candidat offrait 100 doublons. Maria de Ucedo supplia la reine de lui en accorder la grâce. Touchée de pitié ; la reine y consentit. Tel était l’état des mœurs publiques à la cour de Charles II (et des autres