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échoua dans les Pays-Bas lorsqu’il fut mis à la tête de l’armée anglaise au début des hostilités. Pourtant il remplit, presque toute sa vie durant, le haut emploi de commandant en chef en Angleterre et s’y distingua par de réelles qualités. Aussi dissolu que son aîné, il fut accusé devant le parlement en 1807 d’avoir toléré le trafic des grades par l’intermédiaire d’une de ses favorites et ne s’en justifia pas tout à fait. Le troisième fils de George III, le duc de Clarence, n’avait que des enfans naturels. Le quatrième, le duc de Kent, était célibataire à cette époque. Les cinquième et sixième fils, ducs de Cumberland et de Sussex, s’étaient mariés contre la volonté de leur père. Enfin, le septième, le duc de Cambridge, était célibataire. Des cinq filles, une seule était mariée et n’avait pas d’enfans. Ainsi, dans cette nombreuse famille dont le plus jeune avait près de quarante ans, le seul rejeton auquel le pays s’intéressait était cette princesse Charlotte, que l’on aimait non-seulement pour ses qualités personnelles, mais aussi parce que la couronne serait revenue, à défaut d’elle, à des princes contre lesquels la nation avait de justes griefs.

L’affection populaire que les fils du roi n’avaient pas su conquérir s’était portée sur l’heureux général des dernières guerres. L’illustration de la famille Wellesley était de date récente, puisque son chef, Richard Cowley Wesley, n’avait été élevé à la dignité de pair d’Irlande sous le nom de lord Mornington qu’au milieu du XVIIIe siècle. Le fils de ce premier pair fut fait comte et eut cinq enfans, dont l’aîné, élève brillant d’Eton et d’Oxford, gouverneur général de l’Inde à l’âge de trente-huit ans, vainqueur des Mahrattes et de Tippou-Sahib, reçut le titre de marquis de Wellesley. Lord Wellesley avait montré dans l’Inde de véritables qualités de gouvernement, quoiqu’on lui ait reproché d’avoir mésusé du pouvoir absolu que les circonstances lui attribuaient. De retour dans la mère patrie, il resta toujours au second rang. L’éclat dont le nom de son jeune frère Arthur fut entouré éclipsa bientôt les lauriers qu’il avait lui-même recueillis. On ne peut dire qu’Arthur Wellesley fût né pour la profession des armes, et de fait, après avoir atteint en six ans le grade de lieutenant-colonel, il essaya d’en sortir. La protection de son aîné le fit partir pour les Indes, où ses talens militaires se révélèrent pour la première fois. Rappelé en Europe, ses relations de famille, non moins que ses succès contre les Hindous, l’appelaient à jouer un rôle important dans la lutte contre Napoléon. Ce ne fut cependant qu’en 1809 qu’il obtint le commandement en chef des troupes débarquées en Portugal. Les cinq années qui suivirent sont peut-être le plus bel exemple que l’on puisse trouver dans l’histoire moderne de ce que la prudence et le sang-froid valent à la guerre.