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avait pris, sous la direction du comte de Liverpool, le portefeuille du foreign office.

Mais Vansittart, chancelier de l’échiquier, n’avait même pas l’adresse vulgaire que donne la pratique des affaires. Ministre des finances d’une nation riche et puissante pendant onze années, il n’eut pas une initiative, il ne sut pas préparer une réforme, alléger un impôt. Soit dans la paix, soit dans la guerre, ayant à faire face à des besoins tout différens, il fut incapable de modifier le budget ainsi que les circonstances l’exigeaient. Bathurst, beau-frère de lord Sidmouth, avait plus de capacité ; comme chancelier du duché de Lancastre, il avait peu d’occasions de le montrer. Robinson, devenu plus tard lord Goderich, chef d’un cabinet éphémère en 1827 et plus tard encore lord Ripon, s’est éteint en 1859 dans une obscurité relative qui laisse à juger du peu de cas que ses contemporains firent jamais de ses mérites. Il était alors vice-président du Board of trade. Tels étaient les hommes sur lesquels le gouvernement devait compter pour défendre sa politique devant la chambre des communes ; de jeunes auxiliaires, attachés à des fonctions subalternes, les assistaient au besoin, et ces jeunes gens s’appelaient Huskisson, Peel, Palmerston ; mais, relégués au second rang par leur âge ou par le caractère modeste de leur situation, ils n’avaient pas encore montré ce dont ils étaient capables.

L’opposition était mieux servie. Lord Grenville et lord Grey la dirigeaient dans la chambre haute, tous deux habiles aux affaires, s’imposant par le caractère et par la capacité. Toutefois il y avait entre eux la divergence d’idées qui tend toujours à séparer en deux fragmens le parti de l’opposition. Grenville, allié de Pitt, ancien premier ministre de Georges III, ne s’était séparé de son illustre parent que sur une question accessoire lorsque le roi avait déclaré qu’il ne confierait jamais un portefeuille à Fox. Ses partisans, les grenvillites, étaient hésitans comme lui, ils tergiversaient dans les occasions graves. La longue domination des tories et la résistance efficace qu’ils opposèrent avec succès aux idées libérales, même lorsque le pays s’y était déjà converti, doivent être attribuées surtout à l’inconsistance de ce tiers-parti qui, avec plus de décision, se serait emparé du pouvoir même avant que la lutte contre l’empereur Napoléon fût terminée. Lord Grey était plus entier ; avec de brillantes qualités oratoires, il s’était attaché, presque dès son entrée dans le parlement, à la grande question de la réforme électorale, il y était demeuré fidèle sans se laisser effrayer par les incidens de la révolution française ; il eut l’honneur de la faire triompher quarante ans après l’avoir proposée pour la première fois.