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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/200

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de réforme. Lord Tavistock, fils aîné du duc de Bedford, ennemi pourtant des doctrines radicales, déposa sur le bureau de la chambre une pétition de dix-huit cents notables de Liverpool qui demandaient à être représentés. Liverpool avait, il est vrai, deux députés, mais nommés par un si petit nombre d’électeurs qu’ils ne pouvaient prétendre être les délégués de la population. L’affaire se présentait bien ; l’intervention d’un député radical lui enleva toutes les chances de réussite qu’elle pouvait avoir. Sir Francis Burdett s’était associé précédemment aux revendications violentes de Hunt et de Cobbett ; au moment où la pétition des habitans de Liverpool fut introduite, il proposa tout un plan de réforme avec le but avoué de proportionner les droits électoraux aux charges que payait chaque citoyen. La chambre n’était pas encore d’humeur à se saisir d’une proposition si hardie ; à peine quelques voix l’appuyèrent-elles ; l’immense majorité vota contre ou même témoigna par l’abstention qu’elle ne voulait pas discuter avec les radicaux.

Lorsque ce résultat fut connu au dehors, l’agitation en faveur de la réforme s’étendit à toutes les grandes villes du royaume. Des meetings monstres se réunirent partout. À Birmingham, le peuple eut une idée bizarre ; ne pouvant nommer up député puisque la loi constitutionnelle ne le permettait pas, on imagina de désigner un avocat législatif qui serait chargé de défendre auprès du parlement les intérêts de la ville. C’était une sorte de pétition vivante que les habitans de Birmingham envoyaient à Londres. Le nouvel élu, sir Charles Wolseley, était un partisan de Burdett ; il prit du reste son titre au sérieux, mais pas pour un long temps, car, s’étant peu après compromis dans une bagarre où un agent de police fut tué, il fut poursuivi pour sédition et condamné par le jury.

Cependant l’idée avait du succès. Manchester résolut de suivre l’exemple de Birmingham, et un meeting fut convoqué à cet effet, au moins d’août 1819, sur la place de Peterloo. On prétend que les assistans étaient au nombre de 50,000 à 60,000 ; ils marchaient en rangs jusqu’au lieu de la réunion, portant des drapeaux où se lisaient des inscriptions séditieuses, mais calmes et même observant un semblant de discipline. Les marchands avaient eu la précaution de fermer leurs boutiques. Peut-être la journée se fût-elle passée sans incidens. Les autorités avaient pris de grandes précautions ; des troupes étaient venues du dehors ; la milice était sous les armes. À peine l’orateur de la foule, Hunt, eut-il commencé son discours que les magistrats du comté voulurent le mettre en arrestation. La police se vit impuissante ; la milice à peine formée en ligne fut culbutée ; les magistrats donnèrent l’ordre à la cavalerie de charger la foule. Ce fut une débandade générale, dans laquelle beaucoup