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Liverpool. Tory dès sa naissance, il l’est resté jusqu’à son dernier jour, et néanmoins il avait, sans résoudre les questions, préparé le terrain pour les solutions qui ne pouvaient plus être différées.


I

Il en est ainsi d’une des plus graves questions du jour, celle de l’affranchissement des catholiques. On sait à quels excès d’intolérance s’était abandonnée l’église d’Angleterre après la restauration des Stuarts et après la révolution de 1688. D’abord elle s’était inquiétée des puritains qui, maîtres du pays avec Cromwell, avaient eu le tort de donner l’exemple de la persécution. Ensuite, elle avait redouté la propagande romaine. Dissidens ou catholiques, elle avait adopté contre tous ses adversaires des mesures de défense qui les atteignaient également. Toutefois, comme les dissidens se montraient loyaux à la nouvelle constitution du royaume, le parlement ne leur tint pas rigueur ; tout au moins leur permit-il de se livrer aux exercices de leur religion. Les catholiques, au contraire, n’obtinrent même pas cette faculté. Posséder des terres par achat ou par héritage leur était interdit ; ils n’étaient pas électeurs, encore moins pouvaient-ils siéger au parlement. C’était encore pis en Irlande. Le mariage entre protestans et papistes était illicite. Un catholique n’était apte à aucun emploi public, civil ou militaire ; il lui était défendu de prendre une terre à bail pour plus de trente et un ans, de posséder un fusil ou un cheval de luxe, de faire élever ses enfans par des maîtres de sa religion ou de les envoyer sur le continent.

Ces persécutions d’un autre âge ne devaient pas durer longtemps. Sous le règne de George III, l’émancipation commençait déjà. Il était naturel que les dissidens fussent les premiers à en profiter, puisque leurs sentimens politiques ne les séparaient point de la masse de la nation. À la fin du XVIIIe siècle, les catholiques étaient affranchis de toute entrave en ce qui concernait l’exercice du culte et la condition civile des individus. Il restait encore une différence choquante entre le traitement auquel ils étaient soumis en Irlande et la situation qui leur était faite en Angleterre, car l’union des deux royaumes n’aurait pas été votée par le parlement irlandais si les ministres n’avaient accordé quelques avantages et n’en avaient promis d’autres encore. L’union accomplie, Pitt voulut racheter cette promesse. On le sait, George III refusa d’y faire droit, Pitt quitta le ministère. On a beaucoup blâmé ce grand ministre de ne pas s’être montré plus ferme et de s’être retiré sur le premier refus de son souverain, au lieu d’insister avec l’autorité que lui donnait sa popularité. Il paraît qu’il eut peur, en tenant tête au