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O. K. est Olga de Kiréef, et l’empereur Nicolas a été son parrain, ainsi que celui de ses deux frères, Alexandre et Nicolas. L’aîné, le général Kiréef, est attaché au grand-duc Constantin. Le plus jeune, qui était colonel, est tombé d’une mort héroïque dans la guerre de Serbie, en conduisant des milices contre les Turcs. Il était parti, un des premiers, comme volontaire. Kinglake raconte cet émouvant épisode dans la préface de sa nouvelle édition de la Guerre de Crimée. Les Serbes reculaient. Pour les entraîner, Kiréef marche en avant, le sabre au poing. Une balle lui casse le bras. Il reprend l’épée de l’autre main et continue à marcher. Une seconde balle le jette à terre. Il se relève et criant : « En avant ! » s’avance encore de quelques pas, quand une nouvelle décharge le tue enfin. C’était le 6 juillet 1876. Ainsi que le rappelle l’éminent historien d’Elisabeth, M. Froude, dans les quelques pages placées en tête du volume de O. K., cette mort héroïque du premier volontaire russe sur la terre de Serbie, excita dans toute la Russie une émotion profonde. Ce devint une légende colportée jusque dans les moindres villages, commentée par les popes, chantée par les poètes populaires, et c’est alors que le mouvement pour la guerre prit ce caractère d’enthousiasme national qui entraîna Saint-Pétersbourg, resté très froid jusque là. C’est à ce martyr de la grande cause slave que sa sœur dédie son livre.

Olga de Kiréef avait épousé le général Ivan de Novikof, aide de camp du grand-duc Nicolas et chancelier de l’université de Kief. Il est le frère d’Eugène de Novikof, longtemps ambassadeur de Russie à Vienne, aujourd’hui ministre à Constantinople. C’est pendant un long séjour qu’elle fit, en 1871, dans la capitale de l’Autriche, chez son beau-frère, qu’elle commença à s’occuper de politique étrangère. Le chancelier de l’empire, M. de Beust, prit grand plaisir à causer avec elle, et la sincère amitié qu’il lui a vouée a survécu aux vicissitudes de la politique. Après. un dîner à l’ambassade ottomane auquel assistait Mme de Novikof, ainsi que son beau-frère et le chancelier, celui-ci lui envoya un quatrain en vers français, où il lui disait, en termes très galans, qu’elle devenait le trait d’union entre l’Autriche et la Russie. Le trait d’union était du reste charmant. Il avait les plus beaux yeux du monde, clairs, profonds, tantôt pétillans d’esprit, tantôt enflammés d’enthousiasme. M. de Beust fit à cette époque des propositions favorables aux intérêts des populations chrétiennes de la Turquie, et on prétendit que c’était pour plaire à l’enchanteresse qui parlait si bien en faveur de ses frères opprimés. Mais n’est-il pas plus simple de croire que M. de Beust comprenait quels étaient les véritables intérêts de l’Autriche ? En tout cas, M. de Novikof, l’ambassadeur, attacha grand prix à ce quatrain, où il voyait apparaître une phase