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crainte d’encourir la condamnation de l’église, dont il ne mettait point en doute l’infaillibilité. S’il entendait ne pas laisser porter atteinte à son autorité, il ne songeait pas moins à son salut, et, afin de rassurer sa conscience, il faisait tous ses efforts pour obtenir du pouvoir spirituel des sentences conformes à ses visées et à ses intérêts. Aussi est-ce moins à l’intimidation qu’il recourut qu’au prestige de sa dignité royale, à la séduction de sa propre grandeur. Il voulait convaincre l’église qu’elle devait marcher d’accord avec lui pour la plus grande gloire de Dieu. Sans doute, Louis XIV avait près de lui quelques conseillers moins préoccupés qu’il ne l’était de rester dociles aux décrets de l’église et qui travaillaient à le prémunir contre les entreprises du clergé. Mais les principes que lui avait inculqués son éducation défendaient à ce roi de laisser des laïques décider des choses de la religion. Voilà comment, alors même qu’il amoindrissait l’autonomie administrative de l’église, qu’il affaiblissait l’indépendance des prélats, Louis XIV en relevait l’autorité spirituelle. De la sorte il se ménagea dans l’épiscopat un auxiliaire contre les prétentions du saint-siège et une caution de la pureté de sa foi. Louis XIV donnait, en agissant ainsi, le change à sa conscience ; en gagnant les évêques, il s’imaginait demeurer le plus fidèle serviteur de l’église. Son erreur était au reste bien naturelle. Il rencontrait chez la majorité d’entre eux tant d’empressement à condescendre à ses désirs ! Regimbant contre le despotisme de Rome, l’épiscopat français se résignait aisément à reconnaître l’autorité du monarque, sur un terrain que revendiquait l’église, en échange de la part d’indépendance que la couronne lui garantissait à l’égard du saint-siège. En exaltant l’autorité du roi, l’église gallicane se grandissait elle-même, puisque c’était, à ses décisions qu’il en demandait la sanction, puisque, plus elle fortifiait la puissance de Louis XIV, plus elle était en droit d’attendre de lui privilèges et appui.


I.

Les deux assemblées générales du clergé qui suivirent celles dont j’ai rappelé les actes dans un précédent travail, et où l’affaire du cardinal de Retz avait occupé la place principale, ne furent pas marquées par ces contestations irritantes, ces résolutions de nature à inquiéter la cour, qui s’étaient produites antérieurement. On y vota les décimes réclamés, on y renouvela le contrat avec l’Hôtel de Ville, on y traita de ces affaires particulières, de ces litiges qui se présentaient à tout instant dans l’administration ecclésiastique et qu’avaient multipliés les contacts plus fréquens avec l’administration et la justice royales, dont le zèle et la vigilance étaient