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facilité du clergé à payer, qu’il n’avait plus jugé nécessaire de donner aux assemblées générales la même (importance et qu’il réduisit souvent le chiffre, des députés par province. L’étroite union du trône et de l’autel assurait de la sorte au trésor public de précieux revenus, ressources obtenues au prix d’une condescendance envers l’autorité spirituelle qui allait droit à l’encontre du progrès des idées et favorisait ces prétentions à la domination des esprits contre lesquelles éclatait de toutes parts la révolte.

Encouragé par le bon vouloir dont faisait preuve le corps ecclésiastique quand il s’adressait à sa bourse, le gouvernement, dont les besoins devenaient chaque jour plus impérieux, songea à soumettre la nation tout entière à un système d’impositions fixes proportionnelles à la fortune de chacun. Le clergé ne devait pas être exempt. En cela, le gouvernement de Louis XV subissait l’influence des hommes éclairés frappés de l’injustice qu’il y avait à dispenser de l’impôt obligatoire précisément le corps qui passait pour le plus opulent. Le peuple, c’est-à-dire les non privilégiés, sur lesquels retombaient d’autant plus lourdement les taxes dont les plus riches et les plus favorisés avaient su s’affranchir, ne pouvait voir que de bon œil un projet destiné à alléger son fardeau. La chose du moins se fût passée ainsi si la nation eût voté elle-même l’impôt dont il s’agissait d’obliger le clergé à payer sa part. Mais sous le régime d’alors on n’était point assuré que, si ce corps était soumis à des taxes, le peuple en fût pour cela moins pressuré. L’impôt n’apparaissait à la nation qu’à travers les vexations et les violences des employés du fisc, des agens des fermiers généraux, qui cherchaient à tirer le plus possible et plus dans l’intérêt des traitans que dans ceux de l’état. Aussi l’opposition du clergé aux mesures que méditait le gouvernement fut-elle approuvée par nombre de gens qui sympathisaient avec une cause qu’ils regardaient comme la leur. Bien souvent, en effet, imposables et bénéficiers s’étaient plaints des mêmes abus et des mêmes exigences du fisc. Le clergé, qui n’avait cessé de s’élever contre les prétentions qu’avaient fréquemment et sous diverses formes manifestées les officiers de finances de l’obliger à payer l’impôt, ne pouvait manquer de faire entendre plus haut ses plaintes quand il était question de l’assujettir à des impôts permanens qu’il n’avait pas votés. Les agens généraux du clergé ne cessaient depuis un certain nombre d’années de réclamer contre les tailles, les aides, les logemens des soldats auxquels en maintes provinces on obligeait les gens d’église. Ces réclamations étaient l’objet d’une perpétuelle correspondance et tombaient comme une avalanche à l’ouverture de chaque assemblée. Dans la circonstance présente, il ne s’agissait plus seulement de l’interprétation contestée de certaines mesures fiscales auxquelles le clergé voulait échapper.