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tous les excès ne sont pas du côté des vaincus, et que ceux-ci ont droit à une sorte de réhabilitation.

Sur la question des jésuites et des congrégations non autorisés, le jacobinisme radical ne voit dans l’application des vieilles lois et des vieux décrets qu’un expédient, bon tout au plus pour sortir d’un embarras présent, mais tout à fait insuffisant, même d’une insuffisance ridicule. Qu’aura-t-on fait en dispersant les jésuites et autres congrégations, et en leur interdisant d’enseigner ? Rien ou à peu près, en admettant même qu’on obtienne ce mince résultat. Aucune de leurs maisons ne sera fermée. Ils y seront remplacés par des congrégations autorisées, par des prêtres séculiers, par des laïques qui en conserveront l’esprit. Tout se bornera à un petit déménagement des pères, dont la direction et l’influence se feront toujours sentir, puisqu’ils pourront rester à la porte des collèges qu’ils auront quittés. Ce n’est donc encore qu’une politique d’expédiens. La vraie question n’est pas là. Elle est tout entière dans la guerre à mort à une institution contraire à la république, à la philosophie, à l’état, à la société, au droit moderne. Ce ne sont pas seulement les jésuites et les congrégations non autorisées qu’il faut exclure du droit commun, ce sont toutes les congrégations, c’est le clergé tout entier. Le plus éloquent organe de ce parti nous. l’a montré avec une logique égale à sa conviction. Et ce n’est pas seulement le droit d’enseigner qu’on veut enlever au clergé ; il y en a bien d’autres qui se résument tous dans le droit de vivre. Voilà comment le radicalisme jacobin entend la solution de la question des jésuites et des congrégations non autorisées.

Sur la réforme de la magistrature, le jacobinisme radical a de tout autres visées que le jacobinisme que l’on pourrait considérer comme relativement conservateur. Ce n’est ni le nombre des révocations, ni la réduction des tribunaux, ni même la suspension de l’inamovibilité par l’investiture qui pourrait le satisfaire. Ce ne sont là que des expédiens, et il lui faut l’application d’un principe, c’est-à-dire la suppression de l’inamovibilité. C’est un principe de la logique démocratique que tous les fonctionnaires d’un état républicain ne puissent s’affranchir de la tutelle et de la surveillance du peuple souverain. C’est un autre principe de la même logique que les fonctions judiciaires sont électives, comme toutes les autres. Il faut donc au radicalisme de ce parti une magistrature amovible, et une magistrature élue. Pour lui, toute réforme qui ne va pas jusque-là n’est qu’un expédient, qui peut donner satisfaction à des intérêts ou à des passions de parti, mais qui méconnaît les principes. Il est encore une réforme que rêve la démocratie radicale : c’est d’appliquer l’institution du jury à tout, à la justice