Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

goût. Serait-ce pour cela qu’il songerait à renouveler prochainement par le scrutin de liste cette majorité trop occupée de ses petites affaires, et trop livrée à ses petites passions pour former une véritable majorité de, gouvernement ? Mais s’il a le goût de la politique d’état, pourquoi ne fait-il que de la politique de parti ? Et si son patriotisme rêve une France forte et grande encore après nos désastres, pourquoi commence-t-il par la diviser et l’affaiblir par ses mots d’ordre de guerre à l’ennemi intérieur ?


VI

La politique d’expédiens mène parfois plus loin qu’on ne veut. On sait où elle a mené l’empire. Car c’était aussi une politique d’expédiens bien plus que de desseins mûrement conçus et nettement définis, attendant l’occasion pour passer à l’exécution. Si nous avons bien saisi l’esprit dans lequel ont été conçues et exécutées les grandes entreprises du second empire, presque toutes n’ont été que des expédiens imaginés pour occuper la vive imagination de notre peuple et pour faire diversion à des besoins, à des aspirations que l’empire ne pouvait satisfaire. La guerre d’Orient fut un expédient pour faire oublier son origine dans la gloire militaire. Qu’y a gagné la France ? C’est ce que les événemens postérieurs n’ont que trop montré. La guerre d’Italie fut un autre expédient pour retrouver une popularité que l’on commençait à perdre. Si elle eût été entreprise dans un dessein vraiment politique, elle eût été poursuivie jusqu’à la complète libération du territoire italien. Alors on eût évité l’alliance de l’Italie avec la Prusse et le désastre de Sadowa. La guerre du Mexique ne fut encore qu’un expédient plus romanesque, imaginé pour distraire l’esprit public. La guerre d’Allemagne fut un dernier expédient où la fortune de la France faillit sombrer avec celle de la dynastie. « C’est notre guerre, » a dit la malheureuse femme qui devait en souffrir si cruellement. Rien n’était plus vrai ; on sentait le besoin de se relever par un nouveau Solferino d’un Waterloo diplomatique. La monarchie des Napoléons. était de celles qui ne peuvent vivre sans expédiens, parce qu’elles ne peuvent se passer de popularité. La monarchie des Bourbons n’a jamais cru en avoir besoin, et si elle n’en est pas moins tombée, du moins elle n’a pas entraîné le pays dans sa chute.

Les expédiens de notre gouvernement ne sont pas, grâce à Dieu, d’aussi grosses aventures. Ses expéditions ne passent pas la frontière ; elles se bornent à la faire passer à quelques citoyens français que leur nom de jésuite prive du droit de fonder ou de