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succès ou l’échec de nos armes ? Cependant la politique de L’empereur était destinée dès le début à rencontrer des obstacles inattendus. Lord Minto l’avait bien prévu, et à l’heure même où la France croyait pouvoir compter sur l’adhésion de la Turquie, il écrivait, à Londres : « L’opposition de l’Angleterre à la marche d’une armée française ne commencera pas aux rives de l’Indus, mais à celles du Bosphore. » C’est de là, en effet, que surgirent les difficultés. La Turquie, lésée par le traité de Tilsitt, se montra tout d’abord récalcitrante, et il eût fallu de manière ou ; d’autre vaincre sa résistance, si l’empereur, par un revirement soudain, n’eût renoncé au plan gigantesque qui avait plu à son imagination. Tournant ses armes d’un autre côté, il entamait cette campagne d’Espagne que M. de Talleyrand a justement appelée « une mauvaise guerre dans une mauvaise cause, » et l’Inde anglaise recouvrait sa sécurité après « une alarme si chaude. »

Ce dénoûment imprévu ne nous dispense pas de relater les dispositions que lord Minto avait dû prendre quand lui parvinrent les premières nouvelles de l’invasion projetée. Au corps d’armée qui devait pénétrer dans les Indes par la Perse, il avait jugé à propos d’opposer une barrière assez forte pour en arrêter les progrès, ce qui ne lui était possible qu’en s’assurant le concours des populations placées au nord-est de la frontière de l’Hindoustan. Quelques détails géographiques sont ici nécessaires.

Entre le Djumna, l’un des bras du Gange qui bornait l’Inde anglaise de ce côté, et le Sutledje, l’un des bras de l’Indus, le pays était occupé par des états indépendans appartenant à la nation religieuse et guerrière des Sikhs. au delà de l’Indus, le territoire connu sous le nom de Penjab était également occupé par les Sikhs, sous la domination de Runjeet-Singh, maharajah de Lahore, guerrier redoutable pour ses voisins et même pour les Anglais, car, après avoir rapidement augmenté son territoire des débris de celui des Mahrattes, il menaçait les possessions anglaises en s’avançant jusqu’à l’est du Sutledje. Lord Minto envoya auprès de ce prince un jeune diplomate de vingt-trois ans, Charles Metcalfe, dont il avait été à même d’apprécier déjà le mérite précoce et qui devait rencontrer le lion du Penjab, comme il s’intitulait lui-même, à Lahore, où il résidait d’ordinaire quand il ne tenait pas la campagne.

Une seconde ambassade était en même temps accréditée auprès du souverain de Caboul, en plein Afghanistan, au-delà et plus au nord du Penjab, celle-là sous la conduite de M. Mountstuart-Elphinstone, diplomate également distingué.

Il avait fallu des circonstances aussi pressantes que celles où il se trouvait pour décider lord Minto à faire pénétrer ses agens