Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/850

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mohammed-Jan contre Shere-Ali, attaquant Caboul à la tête de ses belliqueux montagnards ? Prévoyant le conflit, M. Elphinstone s’était hâté de se retirer et quittait Peshawer le 14 juin. Peu de jours après, l’émir Shah-Soujah, vaincu et détrôné, en était réduit à chercher un refuge dans la montagne.

Les deux missions dont nous venons de rendre compte, quoique leurs résultats fussent assez négatifs, eurent toutefois l’avantage de renseigner exactement le gouvernement anglais sur les dispositions et les mœurs des habitans de ces contrées avec lesquelles ils ne devaient plus cesser d’être en relation. Les voies étaient désormais ouvertes à cette politique anglaise si habile à profiter, avec la lenteur et la prudence dont elle possède le secret, de tout ce qui peut servir à étendre sa domination. Du côté de Lahore, le succès a répondu à ses efforts. Reste la question de l’Afghanistan, encore indécise et toujours ardue, mais que le temps se chargera de résoudre en démontrant de plus en plus aux populations récalcitrantes la supériorité des moyens d’action dont peuvent disposer aujourd’hui les races d’Europe. Ce ne sont pas les armes seules ni les ressources de la diplomatie qui sont destinées à triompher des résistances trop naturelles opposées aux envahisseurs par les peuples conquis. Ils ont affaire à cette force que la civilisation porte avec elle et dont elle semble être matériellement l’image. Les chemins de fer sont l’auxiliaire le plus puissant sur lequel les Anglais s’appuieront chaque jour davantage pour gouverner les Indes. L’immense réseau des voies ferrées correspond déjà dans l’Hindoustan à tous les grands centres de population. Traversant le royaume d’Oude jusqu’aux premières pentes de l’Himalaya, la ligne ferrée part de Calcutta, se bifurque à Allahabad pour courir sur Delhi au nord-ouest, sur Bombay au sud-ouest, et, parcourant la magnifique vallée du Gange, va desservir Bénarès. On peut prévoir le moment où les chemins de fer qui, déjà, entourent Caboul, deviendront les promoteurs irrésistibles de la loi du progrès, contre laquelle nul effort de la barbarie ne pourra désormais prévaloir.


III

Somme toute, les deux premières années de l’administration de lord Minto furent relativement assez paisibles, si l’on peut appliquer ce mot à un état de choses où, pour maintenir la sécurité intérieure, il fallait fréquemment, sur différens points du territoire, envoyer des corps de troupes destinés tantôt à maîtriser des révoltes partielles, tantôt à faire la chasse à des bandes de dacoïts, sortes de brigands qui descendaient des frontières et jetaient la terreur dans tout le pays en attaquant aussi bien les indigènes que les