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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/856

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excèdent les profits, n’est-elle pas encore aggravée quand l’imagination les évalue ? En pensant à cette île qui rappelait au marin voguant dans l’immensité de la mer des Indes, le doux nom de la France, ne croyons-nous pas voir flotter devant nos yeux la terre charmante dont les beautés n’ont pas été surfaites dans la ravissante création sortie de la plume d’un immortel romancier ? « C’est un véritable paradis, » nous disait un jour un de ses habitans qui aspirait au bonheur d’y retourner. Ce paradis, hélas ! nous n’y rentrerons jamais, car il est aux mains d’une nation trop bien avisée pour abandonner les conquêtes dont elle peut tirer si bon parti, et, quant aux autres points qu’elle nous a, plus tard, rétrocédés dans ces parages, elle s’est gardée d’y renoncer sans trouver ailleurs des compensations suffisantes.

La prise de nos colonies ne fut pas d’ailleurs le seul exploit de lord Minto. Il dirigea d’autres expéditions à travers la mer des Indes, et c’est lui rendre justice que de reconnaître qu’il savait à la fois concevoir de grands projets et, lors de leur exécution, payer de sa personne. L’expédition contre Java étant prête, le gouverneur général se mit à sa tête afin d’être à même de prendre, quand l’expédition aurait réussi, les mesures propres à assurer les intérêts de la colonie. Comme à son départ d’Angleterre, il s’embarqua sur la Modeste, que commandait encore son fils George, emmenant aussi comme secrétaire particulier un autre de ses fils, John Elliot. L’escadre comprenait quatre-vingt-un vaisseaux de toutes grandeurs, montés par douze mille hommes de troupes. Lord Minto, pour occuper les loisirs de cette longue navigation, emportait une cargaison de livres, dont il donne la liste dans une de ses lettres. Les classiques latins y dominent et, parmi eux, Cicéron, qui faisait sa lecture habituelle. Après avoir touché à Penang, l’escadre relâcha le 18 avril 1811, à Malacca, où étaient déjà cantonnées des troupes précédemment envoyées de Bengale et obligées de s’y refaire avant d’entreprendre la partie plus périlleuse de l’expédition. Le journal tenu par lord Minto ne laisse pas d’être intéressant par son côté pittoresque, et plus encore au point de vue de l’administrateur constamment préoccupé des grands intérêts qui lui sont confiés. Nous nous contentons, toutefois, de jeter avec lui un coup d’œil sur la riche presqu’île de Malacca, dont la population était encore presque entièrement composée de Hollandais, les uns de race pure, les autres déjà à demi Malais :


Sous notre gouvernement, écrit lord Minto, ils continuent à remplir les emplois principaux et particulièrement ceux qui appartiennent à la magistrature, parce que la capitulation a respecté la loi hollandaise… Les femmes âgées ont conservé le type néerlandais ; les jeunes sont des